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réelle du suffrage universel. Au faux suffrage universel opposons le vrai, c’est là, pour le moment, notre meilleure défense mais, en même temps que nous appelons partout le peuple à voter en personne sur les plus grands intérêts, n’oublions pas de l’éclairer et de l’assister ; n’oublions pas surtout d’éloigner de lui les pernicieux enseignemens qu’on ne cesse de lui donner sous toutes les formes. Le président le disait avec raison dans son discours à l’Hôtel-de-Ville : « Le bien-être des classes laborieuses est sans cesse compromis par ces théories insensées, qui, soulevant les passions les plus brutales et les craintes les plus légitimes, feraient haïr jusqu’à la pensée même des améliorations. Nous pouvons confirmer les paroles du président sur la propagande socialiste par quelques exemples.

Nous avons sous les yeux une vingtaine d’almanachs pour l’année 1850, et la plupart sont des almanachs démagogiques ou socialistes. L’Almanach de l’armée française de terre et de mer et l’Almanach du jardinier sont les seuls qui soient purs de tout venin, et cela est remarquable La discipline des camps et le travail des champs excluent les mauvaises pensées et entretiennent les bonnes. Cependant les faiseurs d’almanachs socialistes font aussi de ce côté quelques tentatives qui, nous l’espérons, ne réussiront pas. Ainsi, dans l’Almanach du Cultivateur et du Vigneron, nous avions lu avec grand plaisir de fort bons articles sur les diverses plantes fourragères propres à être cultivées sous le climat de la France, sur les prairies naturelles, etc., quand, arrivant à la fin, dans un article sur le renard, nous trouvons tout à coup ces pages étranges :

« Le renard se marie, et son ménage est un des plus véridiques emblèmes des ménages du civilisé…

« Pourquoi le renard se marie-t-il, tandis que le chien, qui appartient cependant à la même famille, vit dans le célibat ?

« La perdrix se marie aussi, et non le coq domestique, qui est pourtant de l’espèce la plus voisine. Pourquoi cela ?

« C’est que d’abord tous les - animaux, quels qu’ils soient, personnifient un des caractères, c’est-à-dire une des variétés de l’espèce humaine.

« C’est qu’il y a des hommes nés pour le mariage et d’autres pour le célibat.

« Le chien ne se marie pas, parce qu’il est exclusivement titré en ambition et en amitié, c’est-à-dire parce que le chien a une destinée de dévouement et d’utilité sociale à accomplir, et qu’il ne convient pas aux intérêts de l’espèce humaine, reine du globe, que le chien soit distrait de ses occupations d’ordre supérieur par les soucis de famille. Le chien doit être prêt à suivre l’homme en tous lieux, ç toute heure, prêt à verser son sang pour lui jusqu’a la dernière goutte. Or, le ménage, qui fixe le père au sol par la famille, est la pierre angulaire de l’égoïsme, le tombeau du dévouement.

« Les grands génies n’ont pas de femme, parce que, dans les sociétés limbiques, la famille est une gêne, et que les grands révélateurs qui ont mission d’éclairer le monde et de périr à la peine doivent commencer par s’affranchir de toute entrave susceptible d’embarrasser leur marche. Il est reçu, même en civilisation, que les militaires mariés sont de mauvais soldats. C’est l’avis de l’empereur, qui s’y connaissait, en ayant consommé beaucoup.

« Même solution pour le coq, emblème de chevalerie et de vigilance, qui a trop à veiller sur la tribu pour avoir le temps de s’occuper d’une simple famille.