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Pour, les autres, ils sont déchirés à la vue de la colonne, au milieu des cris féroces des Kabyles.

Le général commanda aussitôt la halte : les zouaves et trois compagnies de chasseurs d’Orléans iront charger cette position, tandis que la cavalerie refoulera l’ennemi dans le lit de la rivière. La chargé fut sonnée en tête avec le colonel Cavaignac et le commandant Forey ; le général s’élança, gravit les flancs escarpés, entraînant les soldats dans une ardeur commune ; la rage était au comble, la lutte effrayante ; en arrivant, M. Laplanche officier d’état-major attaché aux zouaves, reçut une balle mortelle, le commandant Gardenis eut son cheval tué, le capitaine Pourcet son épaulette arrachée, et le général lui-même ne dut la vie qu’à l’adresse du clairon Brunet, qui étendit raide mort un Kabyle au moment où celui-ci allait le tirer à bout portant. À la fin, nous étions maîtres de la position. Dans la rivière la charge de la cavalerie avait eu aussi un plein succès : de nombreux cadavres étaient restés, jusqu’à des femmes qui se précipitaient sur nos soldats, mêlées aux Kabyles, se battant comme des hommes, le plus souvent coupant les têtes des morts, afin d’en faire de sanglans trophées.

Ces deux vigoureuses offensives donnèrent un peu de repos ; bientôt pourtant le combat reprit avec une ardeur nouvelle ; les officiers, les premiers au danger, étaient aussi, les premiers frappés. Cinq officiers de zouaves, trois officiers de chasseurs d’Orléans, avaient déjà succombé, et l’on n’était qu’au milieu du jour. Le colonel Cavaignac, avec ses zouaves, s’acharnait à venger ses officiers ; ce n’était plus du courage, mais de la furie ; chaque homme en valait vingt, se multipliant pour faire face à tous les périls. Quant au général, les balles et le danger semblaient augmenter encore son audacieux sang-froid ; son œil rayonnait, et partout sur son passage il répandait une énergie nouvelle. La colonne avançait toujours au milieu du fracas de la poudre, que les échos de ces montagnes répétaient comme le roulement d’un orage ; la cavalerie marchait en tête, ayant ordre de ne s’arrêter que vers la nuit au premier terrain favorable.

Les troupes avaient atteint un endroit de la rivière où les deux berges, se rapprochant encore davantage, formaient un nouvel étranglement ; les Kabyles de la rive gauche occupaient alors aussi la rive droite, et les capitaines Magagnoz des zouaves et Castagny des chasseurs d’Orléans furent chargés de les débusquer, tandis que le capitaine Ribains, du même corps, eut l’ordre d’occuper la position de droite. C’était une cascade verticale de roches et de terrains schisteux, couverts de pins et de brousailles ; un ruisseau traversait ces terres qu’il détrempait, et se jetait ensuite dans la rivière. Le capitaine délogea les Arabes, occupa la position, assurant ainsi le libre passage de la colonne ; mais, lorsqu’il fallut rejoindre, les Kabyles se ruèrent sur la petite