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troupe : quelques hommes, les premiers, essayèrent de descendre en ligne droite ; le pied leur manqua sur ces terrains rendus glissans par l’eau, et neuf d’entre eux furent précipités d’une hauteur de quatre vingts pieds. Ils roulèrent de rocher en rocher, d’escarpement en escarpement, bondissant sur les arêtes, cherchant, mais en vain, à se raccrocher aux broussailles, et tombèrent enfin dans le lit de la rivière ; le reste de la compagnie s’était sur le champ jeté à droite vers une ravine, se laissant couler d’arbre en arbre pour rejoindre la colonne. Un de ces chasseurs, Calmette, fut séparé de ses compagnons, entouré de Kabiles, poussé sur le bord du précipice ; d’un coup de carabine, il en abat un, sa baïonnette en tue deux autres, mais enfin il va tomber : alors, s’accrochant à deux Kabyles, il cherche encore en les entraînant à venger sa mort. La roche était à pic, ils tombèrent de ces hauteurs, et par un bonheur inoui, le Kabyle que le chasseur tenait étroitement serré se trouva dessous lorsqu’il toucha la terre, et par sa mort lui sauva la vie. Pour le capitaine Ribains, il descendait le dernier de tous, semblant défier les balles ennemies, quand trois Kabyles s’élancèrent sur lui, et, le tirant à bout portant, lui fracassèrent l’épaule ; ses hommes heureusement, purent le dégager. Tous se le rappellent encore, lorsqu’il passa devant le général, qui le félicitait de sa glorieuse conduite ; son énergique figure respirait le légitime orgueil du devoir accompli, on sentait en lui la juste fierté d’un noble sang noblement répandu.

La lutte alors sembla redoubler d’acharnement : la rivière s’élargissait un peu, et un escadron de cavalerie fut mandé à l’arrière-garde. Il n’y avait pas d’artillerie : les chasseurs d’Afrique la remplacèrent ; le général les lançait comme des boulets pour écarter ces furieux et permettre d’enlever les blessés. Bientôt mis hors de service, cet escadron fut remplacé par la division du capitaine Bérard ; on les lança encore, et en dix minutes, un peloton entier, à l’exception d’un seul homme, eut tout son monde hors de combat. MM. Sébastiani, Corréard, Paër, le cou traversé, ne pouvant plus parler, mais frappant toujours ? Les heures cependant s’écoulaient, la nuit n’était pas loin, et la tête de colonne, ayant atteint un endroit où le lit de la rivière formait un emplacement circulaire, s’était arrêtée pour le bivouac. Toutes les dispositions furent prises immédiatement, puis l’on déposa les blessés dans les tentes de l’ambulance, que l’on avait dressées non loin de la tente du général.

Le général, en mettant pied à terre, donna sur-le-champ ses ordres.