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on le pense bien, étaient singulièrement émus. M. Dahlmann et ses amis ne pouvaient contenir leur colère, et le parti prussien, grossi par la haine qu’inspirait l’Autriche, attirait à lui chaque jour quelques-uns de ses adversaires de la veille. C’est précisément au milieu de ces batailles diplomatiques de Berlin et de Vienne que le parlement eut à discuter la loi électorale. Rien de plus important que cette discussion ; la loi électorale n’était pas seulement une annexe nécessaire de la constitution de l’empire : elle devait imprimer à cette constitution son caractère véritable, en donnant des garanties à la société ou des gages à la démagogie. Les députés de l’église Saint-Paul étaient-ils dans des dispositions salutaires pour délibérer mûrement sur une question de cette gravité ? Ils n’ont que trop souvent déjà suivi les conseils de la colère, et cette loi, il est permis de le craindre, va leur fournir une nouvelle occasion de braver l’Autriche, au risque de se frapper eux-mêmes. La discussion s’ouvrit le 15 février et ne se termina que dans les premiers jours de mars. Assurément, si une sage politique eût prévalu dans l’assemblée, si le parlement eût voulu s’assurer l’appui de la Prusse et intéresser Frédéric-Guillaume à la défense de son œuvre, la loi électorale eût contenu des restrictions que la colère et l’impatience firent imprudemment effacer. Après avoir donné tant de puissance aux deux chambres et surtout à la chambre du peuple (Volkshaus), après avoir rayé de la constitution le veto qui pouvait protéger l’autorité centrale, il fallait au moins considérer le droit de suffrage comme un mandat sérieux et exiger certaines conditions de ceux qui le aspirent à l’exercer. C’est ce que voulait la commission, c’est ce que soutinrent en d’éloquentes paroles quelques-uns des lus célèbres orateurs de l’assemblée ; tous leurs efforts furent vains : le suffrage universel et direct fut proclamé, et dans quelle société, je vous prie ? en présence de quelle constitution ? En présence d’une constitution qui prétend créer un empire d’Allemagne, et qui place l’empereur désarmé face à face avec deux parlemens hostiles, l’un choisi par des souverains jaloux, l’autre abandonné à tous les hasards et livré à tous les caprices des scrutins populaires !

La majorité de l’église Saint-Paul n’avait pas eu le loisir de faire ces réflexions si simples ; c’est la colère qui avait dicté son vote. À mesure que l’Autriche protestait contre la constitution, à mesure que l’œuvre du parlement semblait condamnée d’avance par la plus grande partie des états allemands, l’esprit démocratique reparaissait au sein de l’assemblée nationale et fournissait une vengeance toute prête aux législateurs humiliés. Ce fut bien pis encore, quelques jours après, lorsqu’on apprit la dissolution de la diète de Kremsier, et qu’on put lire dans les journaux de Vienne la charte octroyée à Olmütz. Le jeune empereur d’Autriche venait d’imiter l’exemple de Frédéric-Guillaume