Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devait faire rejeter la proposition Welcker, bien qu’elle eût été accueillie d’abord avec l’empressement d’une colère aveugle ; ajoutez aux membres de cette coalition représentans du particularisme, comme les appellent nos voisins, c’est-à-dire les adversaires de la centralisation impériale, et vous aurez le compte exact des voix qui repoussèrent la proposition du député badois. La victoire avait été vivement disputée ; à côté de M. Welcker, les plus éloquens orateurs, les députés les plus considérables de l’Allemagne du nord, M. Beseler. M. Waitz, M. Gustave Riesser, avaient redoublé d’efforts pour entraîner le parlement ; le ministère s’était approprié la proposition, il la soutenait comme son œuvre, et, dans le cas où l’assemblée la rejetterait, il était bien résolu à se démettre de ses pouvoirs. Tout cela fut inutile ; la coalition l’emporta, et 283 voix, contre 252 donnèrent la victoire à l’Autriche. C’est le 21 mars que la proposition Welcker succomba ; le 22, M. Henri de Gagern et ses collègues, dans un acte longuement motivé, firent agréer leur démission au vicaire de l’empire.

Les partisans de la Prusse ne se tinrent pas pour battus ; on venait précisément de commencer la seconde lecture de la constitution, et puisqu’il y avait une revanche à prendre, c’était là une occasion dont on espérait bien profiter. Si l’on voulait expliquer ici les brusques reviremens de l’opinion, il faudrait se perdre dans le menu détail des intrigues parlementaires. Ceux qui aiment à recueillir les bruits de couloir, à suivre le sort de telle ou telle voix assiégée et conquise par une diplomatie subalterne, ceux-là seuls ont le secret des démentis que se donnent si souvent à elle-mêmes les grandes assemblées politiques. N’empiétons pas sur le domaine de la comédie, et ne nous occupons que des résultats de la lutte. Après plusieurs jours consacrés à relire et à voter sans trop de peine les premiers articles de la constitution, on arriva, le 27 mars, au chapitre V, qui traite de la souveraineté de l’empire (Reichsoberhaupt). La première discussion avait établi l’empire sans hérédité ; la discussion du 27 mars modifia profondément ce projet ; 267 voix contre 263 décidèrent que la dignité impériale serait héréditaire dans la maison des princes à qui serait déférée la couronne. Le lendemain 28, on procéda à l’élection ; M. le président Simson fit faire l’appel nominal, et, selon le mode qu’on avait suivi, pour le choix du vicaire de l’empire, chaque député se levait à l’appel de son nom et proclamait son candidat. 538 députés étaient présens ; 290 votèrent pour Frédéric-Guillaume IV, 248 s’abstinrent. Divisé par tant de partis contraires, en proie à tant de mesquines passions ou d’antipathies profondes, le parlement n’apporta pas à ce grand acte la dignité solennelle qui devait en rehausser l’éclat. Le temps était déjà bien loin où l’assemblée nationale, animée de toute l’ardeur d’un pouvoir jeune et pleine de foi dans sa mission, procédait avec une