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j’agirai franchement, rapidement ; je suis bien résolu à maintenir l’ordre. » Et comme on lui demandait s’il saurait aussi le maintenir contre les princes rebelles : « C’est une question de principes, ne discutons pas, répondit-il d’une voix brève. Quant à mon ministère, s’il doit être formé dans trois minutes, dans trois heures ou dans trois jours, je n’en sais rien encore ; mais soyez sûrs que j’agirai en homme loyal. » Lorsque M. Raveaux fit connaître ces paroles à l’assemblée, la colère fut extrême. Des propositions furent faites, séance tenante, pour déposer le vicaire de l’empire ; on les renvoya à l’examen du comité des trente, lequel n’était pas disposé, comme on pense, à négliger de telles armes. Le 12 mai, après qu’un membre de la gauche, M. Reh, eut été nommé président de l’assemblée nationale en remplacement de M. Simson, il fut décidé que toutes les troupes de l’empire seraient obligé de prêter serment à la constitution. Cinq jours plus tôt, M. de Gagern faisait rejeter cette pernicieuse mesure par une majorité relativement assez forte ; le 12, elle fut adoptée par 163 voix contre 142. Enfin, le 15 mai, la gauche sembla vouloir pousser à bout le gouvernement de l’archiduc ; tout le Palatinat était en insurrection, et sur beaucoup de points les troupes avaient passé aux factieux ; l’assemblée nationale ordonna au pouvoir central de prendre les insurgés du Palatinat sous la protection de l’empire, et de venir à leur aide par tous les moyens. Jusque-là, on n’avait encore fait que préparer la guerre civile ; le 15, elle fut impérieusement décrétée. Ces effrayans progrès de la gauche sont faciles à comprendre au milieu d’une assemblée réduite déjà de moitié : depuis que M. Henri de Gagern avait quitté la direction des affaires, il n’y avait plus un seul homme capable d’arrêter le torrent ; la démagogie avait brisé ses digues. Le nouveau ministère que l’archiduc annonça à l’assemblée dans la séance du 14 mai n’était pas de taille à conjurer tant de périls. De tous ces ministres réunis à grand’peine sous la présidence de M. Grawell, un seul, le général de Peucker, était en possession d’une renommée sérieuse. Choisir dans de telles circonstances les membres les plus inconnus du parlement, c’était confesser la détresse du parti libéral, ou se déclarer par un défi maître de la situation. Ces deux motifs peut-être expliqueraient le choix de l’archiduc ; n’avait-il pas le droit de braver une assemblée qui ne représentait plus le pays, et n’était-il pas bien résolu d’avance à déchirer toutes ses lois ? Quoi qu’il en soit, le ministère Grawell eut à subir, dès le premier jour, les plus violentes attaques, et l’on doit avouer qu’il n’en parut ni surpris ni inquiet.

Le 19, ce ne fut pas seulement le ministère, ce fut le vicaire de l’empire qu’on voulut obliger à déposer ses pouvoirs. L’extrême gauche proposait l’établissement d’une régence ; M. Vogt, M. Raveaux, en auraient fait partie, et l’on espérait que M. de Gagern accepterait une