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ma situation est pire que la vôtre et justifie bien la mélancolie qui, je l’avoue, me possède. Vous croyez dans votre conscience que vous êtes dans le droit chemin, que le roi ne doit pas accorder ce qu’on lui demande : vous faites donc ensemble votre devoir et votre affaire. Moi, je n’aime pas cette querelle ; je désire cordialement que le roi cède ce qu’on lui demande, de sorte que ma conscience n’est engagée que par l’honneur et par la gratitude à suivre mon maître. J’ai mangé son pain et l’ai servi près de trente ans : je ne voudrais pas commettre la bassesse de l’abandonner ; j’aimerais mieux perdre la vie ce que je ferai certainement. » Sir Edmund Varney fut aussi bon que sa parole, et se fit tuer, deux mois après cette conversation, à la bataille d’Edgehill.

Au reste, dans le camp des parlementaires, il y avait aussi quelques esprits modérés, mais plus hardis, qui osaient blâmer ouvertement la voie où s’engageaient les communes, qui auraient voulu qu’on acceptât les dernières propositions du roi, qui s’efforçaient de détourner la guerre civile. Sir Benjamin Rudyard, dans un mâle discours, disait aux communes, après avoir énuméré les privilèges qui venaient de leur être concédés : « Si l’on vous avait dit, il y a trois ans, que vous auriez tout cela, vous l’auriez regardé comme un rêve de bonheur ; cependant nous l’avons maintenant, et nous n’en voulons pas jouir. Nous demandons de nouvelles garanties, tandis que les choses que nous possédons sont des garanties convenables, suffisantes et qui s’assurent les unes les autres… Nous obtiendrions tout ce que nous poursuivons que nous ne pourrions jamais atteindre à une garantie mathématique. Toute précaution humaine est exposée à la corruption et à la défaillance. La providence de Dieu ne sera jamais liée ; à elle appartient le succès final. Monsieur l’orateur, il nous convient d’évoquer tout ce que nous avons de sagesse en nous, car nous sommes au bord de la combustion et de la confusion. Si le sang commence une fois à toucher le sang, nous tomberons présentement dans une misère certaine, attendant un succès incertain, Dieu sait quand et Dieu sait quoi. » Whitelocke annonçait au Parlement les conséquences de la guerre avec des accens de prophète : « Nous allons livrer nos vies aux mains d’insolens mercenaires, dont la violence et la rage se rendront maîtresses de nos personnes et de nos biens, et la raison, l’honneur, la justice, quitteront notre pays. L’ignoble gouvenera le noble, la bassesse sera préférée à la vertu, le sacrilège à la piété. D’un peuple puissant nous ferons de nous un peuple faible, et nous serons les instrumens de notre ruine : nous brûlerons nos propres maisons, nous dévasterons nos propres champs, nous pillerons nos propres biens, nous ouvrirons nos propres veines, nous mangerons nos propres entrailles. Le résultat de la guerre civile, c’est la rage du feu et du