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à cette pointe hardie, la guerre pouvait être finie d’un coup. Du moins jamais Charles ne revit si belle chance. Depuis lors au contraire, ce ne fut qu’une succession de revers un moment entrecoupés par le court triomphe de Montrose en Écosse. Sur une lettre du roi qui lui commandait de combattre l’ennemi à la première rencontre, Rupert livra et perdit la bataille de Marston-Moor. Charles fut battu en personne à Naseby. Henriette-Marie, quinze jours après être accouchée de la princesse qui devait être la duchesse Henriette d’Orléans, fut obligée de s’embarquer de nouveau pour la France sur cet « océan étonné de se voir traverser tant de fois en des appareils si divers et pour des causes si différentes. » Le prince Rupert rendit, après une courte résistance, la place de Bristol, la première ville d’Angleterre après Londres. Alors éclatèrent ces dissensions intestines qui ne manquent jamais de déchirer les partis au moment de leur déroute. Dominé par les ennemis de Rupert, Charles se crut trahi par son neveu. Il lui retira le commandement militaire pour le donner à Goring. Acculé dans Oxford, il s’échappa sous un déguisement vulgaire et se rendit aux Écossais, qui le livrèrent aux indépendans et à Cromwell. Puis viennent la captivité de Charles, ses projets de fuite malheureusement contrariés par la désastreuse influence d’Henriette-Marie, son jugement et son supplice.

Ce qu’il y a d’admirable dans la mort de Charles Ier, c’est qu’elle fut un véritable triomphe. Il n’y a pas d’événement dans l’histoire, qui confonde davantage ce matérialisme grossier des révolutionnaires qui joue le juste et l’injuste, le vrai et le faux à la loterie du succès, Voilà un roi combattu, jugé, décapité au nom de la liberté. On dresse son échafaud en face de son palais, au niveau de la salle des festins. Le billot sur lequel il pose sa tête est si bas, comme si on voulait l’humilier encore dans sa mort sanglante, qu’il est forcé de se coucher à plat ventre pour s’ajuster à la hache du bourreau masqué ! Mais non seulement son héroïque et pieuse sérénité rendit sa mort glorieuse ; par un des plus extraordinaires desseins de la providence de Dieu, en mourant, il personnifia aux yeux des peuples les causes mêmes qui s’étaient armées contre lui. Quand il fut jugé par un tribunal révolutionnaire, sa voix était la seule, sous la compression du sabre, qui protestât pour la loi et la justice du pays et les libertés abolies. Sa mort porta témoignage non-seulement pour la royauté, mais pour les institutions au nom desquelles l’Angleterre s’était soulevée. Le coup qui frappa le roi tua la constitution. Aussi, quand ce peuple eut été guéri par le despotisme révolutionnaire de Cromwell de sa démence anarchique, quand sous le dur joug du fanatique soldat il put mesurer l’étendue de ses erreurs à l’amertume de ses déceptions, il se prit à regretter ensemble la liberté et la royauté mortes le même jour. L’épreuve du jugement de Dieu par la guerre civile, l’action sévère et salutaire de la force, le cruel mystère du martyre royal, réconcilièrent le peuple anglais avec