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ses traditions et son génie, et la restauration s’accomplit par un retour spontané, unanime et irrésistible de tous les esprits et de tous les coeurs.

Quelque grands que furent pour les cavaliers, les malheurs de cette lutte, ils sont amplement rachetés par l’honneur immortel qui s’attache au souvenir de leur dévouement, de leur bravoure et de leur mort. Bien mourir est une vertu vulgaire dans les temps de révolution mais il y a des morts entourées d’un éclat si lumineux, qu’on ne songe jamais à les plaindre, et qu’elles attirent par un prestige attrayant. Telles furent les morts des cavaliers, qu’ils aient péri sur l’échafaud, sur le champ de bataille, ou fusillés après la défaite. Strafford leur avait donné le ton. Charles Ier, comme Bossuet l’a dit de sa fille, fut doux envers la mort ; les autres furent pieux et gais. Sir Charles, Lucas et sir George Lisle, pris dans une insurrection qui suivit le supplice du roi, sont un dernier exemple de ces belles fins. Aussitôt après le combat où ils furent faits prisonniers, Fairfax donna ordre de les fusiller. Ils demandèrent que l’exécution fût remise au lendemain, « afin de pouvoir arranger quelques affaires en ce monde et préparer leurs ames pour l’autre. » On ne leur donna que le temps de faire une courte prière. À sept heures, on les mena sur un terrain gazonné dans l’enceinte de la citadelle de Colchester. On les sépara au moment de l’exécution. On commença par sir Charles Lucas. Ce galant homme s’agenouilla sur l’herbe et pria un instant avec ferveur ; puis, se levant la figure riante, il déboutonna son pourpoint et découvrit sa mâle poitrine disant : « Me voici, je suis prêt, rebelles, faites. » Il tomba mort de quatre balles au cœur. On amena sir George Lisle : il s’agenouilla devant le cadavre de son ami et le baisa au visage. Debout et promenant un regard sur le peloton des mousquetaires, il leur dit qu’ils étaient trop loin. « N’ayez pas peur, monsieur, riposta un soldat, nous ne vous manquerons pas. — Imbécile, dit le cavalier en riant, j’ai été souvent plus près de vous, et vous m’avez manqué. » Alors il fit une courte prière. Ses derniers mots furent : « Je suis prêt, traîtres, feu ! »

Personne n’a jamais plaint ces cavaliers qui ont eu le bonheur de mourir ainsi pour la cause de l’autorité, des traditions patriotiques et religieuses, de toutes les choses qui sont la force et le décor de la vie sociale et de la vertu. En dehors des considérations purement philosophiques et politiques auxquelles on est si heureux de pouvoir se dérober, des destinées si généreuses n’éveillent d’autre sentiment que l’admiration et l’enthousiasme : c’est que le cœur se dilate en contemplant ces glorieux soldats, qui grandirent deux fois leur vie et par la religion du passé et par une foi radieuse en l’avenir éternel. Il y eut parmi leurs ennemis de grands génies et de puissans caractères. Ces