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que son rang seul empêchait d’être un inconnu : telle fut la magie dont Frédéric environna Joseph.

L’empereur répondit à ces avances avec une cordialité extérieure et une ruse prématurée. Sans émotion apparente à la vue de son héritage occupé par un rival il protesta qu’il n’y avait plus de Silésie pour l’Autriche ; mais il subordonna sa volonté à celle de sa mère, réserve que Frédéric trouva adroite et qui l’était en effet, puisqu’en donnant les assurances les plus fortes de sympathie, Joseph ne s’engageait à rien de définitif et laissait ainsi le champ libre aux chances de l’avenir. Toutefois, dès cette première entrevue, comme base principale et préalable d’une nouvelle politique, l’alliance française fut entièrement sacrifiée par l’empereur Il promit la neutralité la plus absolue dans toute discussion entre l’Angleterre et la France. On déclara d’un commun accord que la violence du ministre qui gouvernait ce royaume, la perturbation dans laquelle M. de Choiseul précipitait l’Europe, lui avaient aliéné entièrement les deux grandes puissances germaniques. La cour de Versailles fut donc exclue de tous les arrangemens futurs ; la promesse d’une correspondance particulière entre les deux monarques, à l’insu du gouvernement de Louis XV, cimenta cet accord. Dans cette première entrevue, il fut question d’un démembrement de la Pologne : des témoignages contemporains et immédiats le certifient ; mais aucun plan ne fut arrêté et aucun ne pouvait l’être avant le retour de Joseph II à Vienne. Il n’avait paru à Neiss que pour sonder et préparer le terrain.

À peine Joseph était-il rentré dans sa capitale, que Marie-Thérèse fit appeler l’ambassadeur de France et lui parla en ces termes : « Le roi de Prusse n’a pas osé dire un mot contre l’alliance, il a respecté ma façon de penser. Je ne le crois pas éloigné d’adopter mon goût pour la paix, et c’est assurément ce qu’il peut faire de mieux. Ses troupes sont singulièrement bien disciplinées, un coup d’œil de sa part suffit pour que chacun sache ce qu’il a à faire ; mais elles ne sont pas belles. Sa cavalerie est moindre que la nôtre, et c’est l’annoncer bien médiocre[1]. » Quel est le sentiment qui dictait ce langage ? Marie-Thérèse ignorait-elle que l’alliance française fût sacrifiée ? Croyons-le pour l’honneur de sa mémoire.

Dès ce moment, l’Autriche, qui n’avait encore pris aucune part ostensible aux affaires de Pologne, s’en mêla ouvertement. D’abord, pour se concilier les Polonais, au lieu de parler avec dédain des confédérés, comme on l’avait fait jusqu’alors à la cour de Vienne, Marie-Thérèse afficha le plus vif intérêt pour leur cause ; elle dit qu’ils étaient les défenseurs de la religion catholique, et que l’honneur s’était, réfugié sous leurs

  1. Archives des affaires étrangères.