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des procédés descriptifs de Walter Scott ; ses personnages entrent en scène avec le maintien des héros de Walter Scott ; ses conversations sont conduites absolument comme Walter Scott conduit les siennes et pourtant nous avouerons que, malgré cette préoccupation constante de Walter Scott, l’imitation est plutôt latente et cachée qu’évidente. Il est probable que Fenimore Cooper n’aurait jamais songé à peindre les sauvages, les pionniers et la vie nomade des Américains, si son esprit et son ambition n’avaient pas été éveillés par le monde sauvage de Walter Scott et par le succès qu’obtinrent naguère les sorcières les mendians, les chefs de clan, les outlaws et les bandits de Walter Scott. Toutefois le sentiment de la vie sauvage dans le romancier américain est vrai, réel et sincère. Qu’il y a loin du monde barbare de Walter Scott au monde barbare de Cooper ! Les barbares guerriers, les Robin Hood et les Rob-Roy en lutte avec la civilisation et les lois, voilà ce que Walter Scott a décrit ; mais le barbare qui travaille à devenir civilisé, qui lutte avec la nature, avec les débris de la vie sauvage, qui défriche et plante, qui s’avance avec une rapidité inouie et une persistance extrême à la conquête du monde, voilà le type qui appartient réellement à Fenimore Cooper. C’est lui qui, pour la première fois, a montré à l’Europe ces races fortes et jeunes qui doivent renouveler la civilisation à force d’activité et de travail. Malgré ses défauts, nous tenons Fenimore Cooper pour le romancier le plus éminent qu’aient encore produit les États-Unis.

Cooper, s’il imite, imite simplement la manière du fameux romancier écossais, mais il sait les histoires des solitudes et des forêts, il décrit le mœurs américaines. Quant à Washington Irving, il peint tous les pays, excepté le sien. Il fait des descriptions de l’Angleterre, des descriptions de l’Espagne : il raconte de vieilles histoires mauresques et grenadines, ou imite le style des auteurs du Spectator. Bref, ses livres sont très littéraires et parfaitement puérils Washington Irving nous a toujours rappelé cette fausse littérature romanesque du XVIIIe siècle, Gonzalve de Cordoue, et les innombrables romans arabes, turcs, tartares et indiens qui pullulent à cette époque. Les traditions espagnoles et mauresques, sous sa plume agréable et facile, prennent tout-à-fait la tournure de ces tableaux du règne de Louis XV qui représentent de charmantes Françaises sous des costumes d’un orientalisme suspect.

Il y a quelques années déjà, nous avons lu les contes d’Edgar Poë, contes très littéraires, trop littéraires à mon sens. Il en a été question dans cette Revue[1]. Or, ces contes n’ont absolument rien de national. Il est question de choses et d’êtres très fantastiques, de la méthode d’analogie,

  1. Voyez la livraison du 15 Octobre 1846.