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le partage de la pologne.

longue, mais opiniâtre. On commença par ménager les dissidens ; ce fut seulement sous la dynastie suédoise des Wasa qu’ils se virent exclus des emplois et que la profession publique de leur culte fut expressément défendue. Une telle interdiction faisait un étrange contraste avec la liberté dont jouissaient les Juifs, devenus plus maîtres de la Pologne que les Polonais eux-mêmes. Jusqu’à l’avènement de l’inhabile descendance du grand Gustave Wasa, la Pologne avait été l’asile de la tolérance. Tandis que les querelles de religion changeaient l’Allemagne et la France en un vaste champ de carnage, toutes les religions, toutes les sectes avaient trouvé un port tranquille au sein de la république polonaise ; toutes vivaient en paix sous les lois de Casimir-le-Grand et de ses successeurs Sigismond-Auguste, le dernier des Jagellons, avait même déclaré les dissidens admissibles au sénat, aux charges de l’état, aux graces de la cour, pourvu qu’ils fussent chrétiens et nobles, ce qui n’était pas une exclusion, car tout le monde est noble en Pologne. Henri III, encore teint du sang des huguenots, fut obligé de jurer ces statuts, promulgués en 1568 et 1569 dans les diètes de Grodno et de Lublin. Les Wasa eux-mêmes ne purent éluder ce serment ; mais, sous cette dynastie fanatique, la persécution atteignit les dissidens : dès l’année 1621, ils furent exclus des diètes, privés de toutes les dignités publiques et du droit de recevoir des starosties, seule ressource de la noblesse pauvre dans un pays où la pauvreté et la noblesse sont également répandues.

Les Grecs, bien plus nombreux en Pologne que les protestans, s’adressèrent à Pierre Ier, qui, en 1772, exigea la nomination d’une commission mixte, moitié russe, moitié polonais, pour l’examen des griefs de la noblesse dissidente en général. Après avoir vainement attendu une réponse, Pierre se disposait à aller la chercher à la tête d’une armée, lorsque la mort le prévint et prolongea de cinquante ans l’existence de la république. Catherine II reprit cette affaire juste au point où Pierre Ier l’avait laissée. Cependant, à son exemple, tout en ne perdant pas de vue la défense des dissidens ses coreligionnaires, base de l’influence russe en Pologne, elle l’ajourna, pour réunir tous ses moyens d’influence sur l’élection royale ; mais elle n’imita pas Pierre Ier dans la protection qu’il avait accordée à des candidats d’origine étrangère et de maison souveraine. Bien loin de soutenir, comme ce grand homme, un prince de Saxe, Catherine se détermina à employer les négociations et les armes pour renverser la dynastie saxonne, devenue presque héréditaire par le gouvernement prolongé et successif de deux générations de rois. L’opinion d’une grande partie de la Pologne secondait ses vues. À part quelques vieux courtisans, les Polonais étaient las de voir des princes allemands à la tête de leur patrie. C’était d’ailleurs un changement, et ce n’est pas le seul peuple pour qui le changement ne soit pas un moyen, mais un but. Ils voulaient un Piast après les Saxons, comme ils avaient voulu les Saxons après un Piast. Catherine