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REVUE LITTÉRAIRE.




LE THÉÂTRE. — LES ROMANS.




Le spectacle qui se présente à nos regards offre un phénomène particulièrement triste à l’observateur. La politique, qui, par nature, vit de tradition, qui malgré les passions dont elle se complique, suppose dans ses développemens une certaine logique, dans le but qu’elle poursuit une certaine fixité, la politique, à ne prendre même les choses que depuis ces derniers temps, déconcerte l’attention la plus vigilante par la brusque mobilité de ses changemens à vue. L’art, au contraire, empire naturel de l’esprit d’innovation et de l’audace entreprenante l’art, qui ne vit qu’à la condition de se transformer sans cesse, l’art reste immobile ! Là des révolutions sans cesse, ici un statu quo qui ne parait pas toucher à sa fin. Là une pensée impatiente d’avenir qui se cherche elle-même à travers les ténèbres de la guerre intellectuelle et le sang de la guerre sociale, ici une mémoire éprise du passé qui ne se lasse pas de tourner dans le cercle d’une énervante imitation. Nous n’avons en vue ici que la situation littéraire. Eh bien ! nous le demandons, non par boutade de pessimiste, mais en témoin attristé d’un fait qui saute aux yeux : quel signe de vie a donné la littérature depuis dix-huit mois ? Tout est changé ; a-t-elle changé ? La production s’est ralentie ; la qualité a-t-elle d’un degré élevé son niveau ? A-t-elle montré tant soit peu qu’elle vivait de la vie commune, que, lorsque l’arbre entier frémissait sous le vent des révolutions, elle aussi se sentait palpiter et frémir ? Nous serions trop heureux vraiment d’avoir à consigner ici l’espérance d’un pareil réveil ; il nous plairait infiniment plus d’entonner l’Alleluia que le De profundis. Mais quoi ! la réalité n’est-elle pas là ? Est-ce la faute de la critique, attentive à épier les moindres symptômes d’espérance, si, loin d’avoir à signaler la nouvelle arche qui porte les destinées et les germes précieux de l’art futur, elle n’aperçoit même pas une barque que ses yeux n’aient vue cent fois, qui n’apparaisse bariolée de couleurs que nos pères ont pu contempler plus