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ses dangers. Le gouvernement parlementaire n’a évidemment pas beaucoup gagné à la dernière révolution.

Et pourtant que veulent ces esprits que la peur rendrait au besoin si décisifs et si hardis ? Ne voient-ils pas que le gouvernement parlementaire, soit sous une forme, soit sous une autre, est le seul possible ? Ne voient-ils pas qu’il est impossible de détruire en France une habitude de trente ans ? Ne comprennent-ils pas que la monarchie pure et simple n’est pas un expédient efficace ni surtout un dénoûment définitif ? La grande affaire aujourd’hui n’est pas de savoir comment le gouvernement républicain mourra, au profit de quelle dynastie, si les dynasties s’entendent ou ne s’entendent pas, s’il y a une alliance entre les deux branches de la maison de Bourbon : questions fort oiseuses en ce moment, supposé même qu’elles ne soient pas dangereuses ! La question selon nous, n’est pas de savoir comment le gouvernement républicain mourra mais comment il vivra, et nous posons d’autant plus hardiment la question sur le genre de vie de la république, et non sur son genre de mort, que nous ne sommes pas suspects d’avoir aucun enthousiasme pour l’enfantement du 24 février.

En posant ainsi la question, nous croyons répondre à la véritable pensée publique ; oui, la pensée publique comprend chaque jour davantage que la république ne peut pas vivre dans les conditions qui lui ont été faites. La machine semble avoir été fabriquée pour produire des révolutions, non pour produire un gouvernement régulier ; elle n’est propre qu’aux mouvemens brusques et soudains. C’est un grand ressort pour le hasard. Ces vérités-là commencent à se faire jour. Il y a quelques mois encore, tout ce qui tenait à l’organisation électorale du pays semblait quelque chose de sacré. Toucher au scrutin de liste, c’était un attentat. Aujourd’hui, les temps de la superstition sont passés ; on discute les reliques. Une circulaire excellente du ministre de l’intérieur appelle les conseils municipaux des villes de plus de vingt mille ames à délibérer sur l’organisation des élections municipales. Le ministre demande si, avec le scrutin de liste, « la représentation n’est pas restée défectueuse, en ce sens que, par l’effet du mode d’élection qui y est appliqué, tous les intérêts, toutes les professions et tous les citoyens n’ont pas été représentés, et par conséquent défendus dans la question des affaires communales. » Puis le ministre ajoute avec un grand sens, selon nous « Ces questions méritent d’autant plus d’attention que le suffrage universel a remplacé les électeurs censitaires, et que, dans les villes de vingt mille ames, les plus fort imposés ne sont pas appelés à participer au vote du conseil municipal en cas d’impôts extraordinaires »

Pour être indiqués avec un point d’interrogation, les défauts du scrutin de liste n’en sont pas moins signalés avec beaucoup de justesse dans la circulaire du ministre de l’intérieur. Non, dans les élections municipales le scrutin de liste, ne donne aucune garantie à la diversité des intérêts et des professions. Le scrutin de liste éloigne l’électeur de l’élu, en ce sens que sur la liste chaque électeur trouve à peine un nom qu’il aime et qu’il connaît. Tous les autres lui sont inconnus. Le scrutin de liste est un mode d’élection tout politique, et d’une politique révolutionnaire. La liste qui l’emporte met aux affaires des hommes qui sont tous de la même opinion, si bien qu’avec ce genre de scrutin le mélange et le tempérament des opinions sont impossibles. On était tombé