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fait, au moins laissé faire. L’Université, que nous n’avons jamais outragée, nous permettra de le lui dire. L’épreuve a été faite le février 1848 : le monopole de l’enseignement n’a pas réussi. Une grande institution comme l’Université impériale, investie d’omnipotence, étendant sa main dans toutes les familles, destinée à donner le ton à l’esprit public, et qui n’a pas réussi à le préserver ni à se préserver complètement elle-même de la perversion étrange dont nous sommes témoins, n’a évidemment pas atteint son but, et ne peut trouver mauvais qu’à côté d’elle on essaie de réussir par quelque autre moyen.

« Sa majesté, disait-on en 1808, dans un style qu’on ne saurait méconnaître, a organisé l’Université en corps, parce qu’un corps de meurt jamais et parce qu’il y a transmission d’organisation et d’esprit, elle veut trouver dans ce corps une garantie contre les théories pernicieuses et subversives de l’ordre social Ce corps, étant le premier défenseur de la morale et des principes de l’état donnera le premier l’éveil et sera toujours prêt à résister aux théories dangereuses des esprits qui cherchent, à se singulariser, et qui, de période en période, renouvellent ces vaines discussions qui, chez tous les peuples, ont si fréquemment tourmenté l’opinion publique. »

Pense-t-on que si l’écrivain altier qui dictait ces lignes était rappelé aujourd’hui sur la France de cette France que son bras avait sauvée des révolutions, pour y assister à tel discours tenu en Sorbonne, pour entendre tel professeur du collége de France, si on lui montrait des Louis Blanc, des Proudhon, boursiers et lauréats des collèges royaux, il trouvât sa pensée bien réalisée et se complût pleinement dans les fruits de son institution ? Est-ce à dire que nous en voulions conclure, avec l’injustice ordinaire aux écrivains de parti, que le socialisme, la révolution et tous leurs monstres sont sortis tout armés du sein de l’Université ? À Dieu ne plaise que nous méconnaissions à ce point tout ce que l’Université, à son origine, a sauvé ou relevé en France de saines traditions, tout ce qu’elle abrite d’existences modestement consacrées au devoir ! Mais cela veut dire tout simplement que le pouvoir absolu n’est pas bon à garder par le temps qui court. Il impose une responsabilité fort supérieure à ce qu’il peut donner de puissance. Personne, d’ailleurs, n’est assez sûr de soi-même pour entreprendre de l’exercer. L’Université a partagé le sort de toutes les grandes créations impériales mises tout d’un coup aux prises avec un régime de liberté. L’anarchie y a pénétré pendant que l’esprit d’opposition s’animait contre elle. Comme cela est arrivé successivement à tous les gouvernemens, elle est devenue, à un moment donné, le bouc émissaire d’une société malade dont elle avait partagé plutôt que causé les désordres. Chacun lui reproche non-seulement les maux dont il est victime, mais ceux-là mêmes souvent dont il est l’auteur. Gouverner l’esprit public de nos