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s’étend jusqu’à la faculté de céder ou de vendre, et ils demandent à être imposés. Ce sont les contribuables qui vont ici au-devant de la taxe, et c’est l’état qui refuse de la percevoir. Il faut avouer que M. le ministre des finances a rompu avec toutes les traditions du fisc, et qu’il intervertit singulièrement les rôles.

On compte en France 64 avocats au conseil, 3,500 avoués, 10,800 notaires, 697 agens de change et 638 greffiers des cours ou tribunaux, sans parler des huissiers ni des commissaires priseurs. Le revenu annuel de toutes ces charges excède très certainement 80 millions de fr. Quand l’impôt prélèverait le dixième de cette richesse, il la traiterait encore mieux que la richesse foncière, qui voit prélever en moyenne par l’état le sixième ou le septième de son revenu. Que l’on ajoute à la patente des notaires celle des avocats et des agréés de tous rangs, et le produit de la nouvelle taxe s’élèvera sans difficulté à quelque chose comme 10 millions.

L’assemblée constituante a supprimé les droits établis sur les boissons, à partir de 1850. M. le ministre des finances propose avec raison de les rétablir car le trésor public n’est pas en mesure d’abandonner aujourd’hui une recette de 100 millions. Le régime de ces droits n’est plus, j’en conviens, en harmonie avec les usages d’un peuple libre, et le taux en est encore hors de proportion, du moins en ce qui touche les vins, avec la valeur de la denrée à laquelle l’impôt s’incorpore. Il faudrait évidemment, par respect pour la justice et afin de donner satisfaction à nos populations méridionales, réviser en 1850 le système des droits sur les boissons. Je n’admets, en aucun cas, la suppression complète. Les boissons ont de tout temps été considérées comme une matière imposable. En Angleterre, on demande 300 millions à cette nature de taxes, et la drèche seule produit à peu près autant que rapportent chez nous l’alcool, le vin, la bière et le cidre ensemble. Ajoutons que l’on ne fait rien ou que l’on fait bien peu en supprimant les droits perçus par le trésor, tant qu’on laisse subsister les droits payés, à l’entrée des villes, sous le nom d’octrois. L’existence des droits d’octroi entraîne celle des droits de circulation, d’entrée et même de détail. Ce sont là autant de parties intégrantes d’un seul et même impôt. La révision du système aura lieu plus tard ; elle n’est pas possible aujourd’hui En ce moment, il n’y a pas autre chose à faire que de rétablir purement et simplement, quoi qu’il en coûte, les droits qui ont été imprudemment abolis. Que les départemens méridionaux prennent leur donc aujourd’hui conseil de leur patriotisme. C’est un sacrifice qu’on leur demande pour échapper au naufrage ; ils le feront sans hésiter et sans murmurer, ils se donneront le mérite d’accepter, en hommes résolus et en bons citoyens, la nécessité qui commande.

La réduction de la taxe du sel, après février, était inévitable : on l’a