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l’argent, il ne doit pas leur disputer les capitaux, trop rares encore, qui cherchent un placement avantageux. La compagnie de Lyon, à elle seule, aura besoin de 250 millions en quatre années. Supposez toutes les autres compagnies nées ou à naître exigent une somme égale en versemens ou sous forme d’emprunts, il faudra trouer 125 millions par année pour l’exécution des chemins de fer. Y aurait-il de la prudence à jeter au travers de ce mouvement industriel une émission de rentes ? L’état, pour faire appel au crédit, ne doit-il pas attendre que l’avenir de ces entreprises soit assuré ?

L’emprunt peut être ajourné, sans inconvénient ni péril, au printemps de 1851. À cette époque, il suffira d’emprunter 150 millions, dont les versemens s’effectueront à raison de 10 millions par mois, et qui serviront à rembourser le prêt fait par la Banque. Cette combinaison réduira la dette flottante à 450 millions, dont 50 représenteront des avances faites sans intérêt par la Banque. Descendre à un niveau inférieur, ce serait supprimer la dette flottante, dont l’existence restera nécessaire pour servir d’asile aux capitaux sans emploi, tant que la France sera un pays riche, Paris un marché de capitaux, et le crédit de l’état la commune mesure du crédit.

La plaie de nos finances est profonde, et paraît à quelques-uns mortelle. J’ai essayé de montrer comment on pouvait la fermer, et faire circuler dans le corps social la santé et la vie ; mais cela n’est pas possible à toutes les politiques. La politique du laissez-faire, celle qui s’abandonne et qui abandonne les autres, serait la dernière a y réussir.

L’assemblée constituante, de la même main qui entassait les dépenses sans compter, n’a pas craint de démolir les recettes. La guerre à l’impôt y était populaire et systématique ; la défense de l’impôt n’y trouvait que des organes équivoques, embarrassés et presque honteux de leur rôle. C’est une cause à regagner par des procédés absolument contraires à ceux par lesquels on l’a perdue.

Il n’y a pas de finances sans un gouvernement ferme, qui sache ce qu’il veut, et qui ne perde pas un instant de vue l’accomplissement de ses desseins. La pensée qui fait régner l’ordre dans les dépenses est la même qui le fait respecter sur la place publique. Ce sont deux faits et comme deux applications d’une seule volonté. La première république a péri par le désordre des finances autant que par l’anarchie du pouvoir. Espérons que la second finira par nous donner un spectacle tout différent. Il serait trop douloureux de penser que le parti modéré, qui entreprend d’élever la révolution à la hauteur d’un gouvernement, ne se montrât ni plus capable ni plus vigoureux que les hommes qu’il a supplantés aux applaudissemens de la France.


LÉON FAUCHER.

ERRATA

Article sur la Situation financière de la France,
page 453, lignes 23 et 24, au lieu de : « une somme de 56 millions, lisez 156 millions.
Page 454, lignes. 16 et 17, après « l’intérêt de la dette flottante et celui de la dette fondée, » ajoutez : en France.
Page 484, ligne 34, au lieu de : « Ce sont deux faits, » lisez : Ce sont deux faces.
Page 456, ligne 7, au lieu, de : « il excède 25 millions, » lisez : 29 millions ;
Page 460, lignes 8 et 9, au lieu de : « la richesse et la bonne tenue des arsenaux permet, » lisez : permettent.