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Sydney est devenue, en moins de cinquante ans, la capitale d’un empire nouveau, puissant déjà par l’homogénéité et par l’énergie de la race qui le peuple. Ce n’est comme on l’a dit, un monde décrépit en naissant ; c’est un état qui, à son origine, possède, avec toute la vigueur de la jeunesse, l’expérience du vieux continent. Les douleurs au milieu desquelles la société européenne a enfanté la civilisation et s’est émancipée lui sont épargnées. Il hérite de tous les trésors de science et de lumières que l’Europe a amassés, et il a pour en jour et pour les faire valoir des forces toutes fraîches et une vitalité puissante. La déportation, disaient quelques écrivains, a corrompu cette colonisation dans sa source ; semblable de un reptile malfaisant et hideux, elle a piqué à sa racine, et maintenant l’arbre ne peut que dépérir. – C’est une erreur. La déportation a cessé. Une société libre et amie des lois qui s’augmente sans cesse, absorbe la population d’origine suspecte. Aujourd’hui les convicts libérés, qui habitent l’ancienne colonie pénale, sont au reste des habitans comme un est à cinq. Dans quelques années, la majorité des honnêtes gens sera bien plus forte encore ; elle tend à s’accroître par les émigrations continuelles, jusqu’à ce que la postérité des déportés soit comme noyée dans ce flot monte sans cesse. D’ailleurs c’est un point presque unique de ce grand territoire qui a servi de lieu de déportation. D’autres colonies ont été formées depuis qui n’ont pas subi cette épreuve. Celle qu’on appelle la Nouvelle-Galles du Sud, et qui s’étend sur les bords orientaux du continent austral, a supporté seule la honte et les misères de la déportation ; mais les colonies de Port-Philipp, de l’Australie du sud, de l’Australie occidentale, ont évité le contact des condamnés. Là vivent et prospèrent de nombreux colons, purs de tous démêlés avec la justice de leur pays, et dont les travaux promettent à l’Angleterre une compensation de la perte des États-Unis.

Ces quatre établissemens ont été fondés autour de l’Australie dans les vingt dernières années. Port-Philipp est situé au fond de la baie de ce nom. Une rivière, qu’on appelle la Jarra-Jarra, verse ses eaux dans cette baie. C’est là que s’élève la ville de Melbourne, à trois lieues de l’embouchure, où une bourgade, Williamstown, véritable port de mer, a été construite pour recevoir en dépôt le chargement des navires d’un fort tonnage. La colonie de l’Australie du sud, qui s’étend depuis le golfe Spencer jusqu’au golfe de Murray, est placée entre l’Australie occidentale à droite et Port-Philippe à gauche. Elle est séparée de la première par un désert sablonneux ; elle se relie à la seconde par une zone de terres qui passent pour les plus fertiles du continent tout entier. Cette partie de la Nouvelle-Hollande s’appelle, en conséquence, l’Australie heureuse (Australia felix) ? La capitale est Adélaïde. – Les établissemens compris sous le nom d’Australie occidentale sont situés sur la ririvère es Cygnes et le long de la côte, jusqu’à la baie du Roi-George. D’Entrecasteaux avait désigné la rivière des Cygnes comme un lieu propre à recevoir une colonie française. Les Anglais ont profité de cette découverte. La ville de Perth, qu’ils ont construite en cet endroit, fait chaque jour de nouveaux progrès.

Qu’on ne s’imagine pas d’ailleurs que ce que nous appelons ici colonies et villes, soit une réunion de quelques centaines d’individus misérables retirés sous des huttes. Non pas : bon nombre de ceux qui ont émigré en Australie ont emporté, en quittant le vieux pays, des capitaux considérables, les uns 50, les