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autres 100 et même 150,000 francs. Entrez dans ces cités nées d’hier, et vous verrez s’ouvrir devant vous de larges rues bordées de maisons en pierres et en briques. Ces demeures sont bien peuplées : les colons de l’intérieur y passent une partie de l’année ; ils s’y donnent rendez-vous pour vendre leurs laines et pour les livrer aux exportateurs. Dans les salles joyeuses et bruyantes d’hôtels meublés comme en Europe, les citadins et les campagnards font leurs échanges au milieu des bouteilles vides et devant le punch qui flambe. L’un troque des brebis pleines contre le superflu de la récolte de l’autre ; la différence se solde en billets de banques locales, généralement administrées avec ordre et probité. On cause des dernières courses de chevaux, car déjà cet amusement favori des Anglais a été transporté dans les nouvelles colonies ; on s’y entretient aussi des mérites de l’orateur qui, la veille, a obtenu, dans l’une des nombreuses société scientifiques où les colons vont passer la soirée, les plus vifs applaudissemens. Le plaisir du speech, ce plaisir ignoré en France, mais fort goûté de la race anglo-saxonne des deux côtés de l’Atlantique, a été importé aux antipodes. L’étude des questions de colonisation, d’agriculture, de commerce, de manufacture, sert de prétexte aux colons australiens pour se réunir en associations qui mettent en commandite un grand fonds de paroles. Nous n’oserions pas affirmer que ce qui s’y dit ait une influence sérieuse pour la prospérité de la colonie ; mais ces réunions occupent agréablement les colons, dont elles flattent les prétentions à l’éloquence, et elles donnent aux cités nouvelles un air de vieille civilisation. Les marchandises d’Europe sont exposées à Melbourne, à Adélaïde, à Perth, dans des boutiques propres et spacieuses. L’industrie locale s’essaie déjà à imiter les produits des manufactures de l’ancien monde ; la charrue anglaise a été perfectionnée par les émigrés, et de métiers récemment dressés sortent des étoffes grossières, mais solides, appréciées par les colons à l’égal des plus beaux tissus d’Angleterre.

Les habitations des fonctionnaires, des armateurs de navires, des riches colons, des gens d’affaires, sont généralement construites entre cour et jardin. Fermées, du côté de la rue, par des grilles, et entourées de fleurs, elles ont l’aspect de nos maisons de campagne. La plupart de ces constructions ont deux étages. Les édifices publics et surtout les temples sont nombreux au sein de populations divisées en vingt sectes différentes. Le bâtiment consacré dans chaque ville au culte de la religion épiscopale est ordinairement le plus riche, quoiqu’il ne soit pas le plus fréquenté. Les méthodistes, les presbytériens, les baptistes, ont chacun leur chapelle, humble d’abord et provisoire, mais qui grandit bientôt, qui s’enrichit, et qui finit par s’élever au rang de monument. Les catholiques irlandais possèdent aussi des bâtimens destinés à l’exercice de la religion romaine ; mais ces constructions, comparées à leurs voisines, sont généralement pauvres. À Sydney, l’édifice en pierre commencé pour servir d’église aux catholiques avait été suspendu faute d’argent ; nous ne savons s’il a pu être achevé pendant le cours des dernières années. Dans les autres colonies, les chapelles catholiques sont construites en bois.

On remarque à Port-Philipp, à Adélaïde et à Perth, les bâtimens des douanes, de la poste ; des marchés abrités, des quais où viennent se ranger les navires : c’est un monde enfin, non pas chétif, malingre, pauvre, mais plein de santé, avec un besoin d’expansion et d’activité extraordinaire. À la tête de cette civilisation,