Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en pierres. Un enclos, qui s’étend derrière l’édifice, enceint le jardin planté fruits et en légumes. La cuisine, la laiterie, les granges à laines, forment autant de bâtimens séparés. Le troupeau se subdivise en plusieurs troupes d’animaux, confiées à autant de bergers. Ces hommes vivent seuls, sous des huttes couvertes de chaume, qui n’ont que deux ouvertures : la porte d’un côté ; de l’autre, la fenêtre. Ils se rendent, chaque semaine, à l’habitation du maître, pour recevoir les provisions de la semaine suivante. On rencontre aussi, dans l’intérieur, des huttes entièrement isolées, où travaillent des cordonniers, des tailleurs et des ouvriers d’autres professions. Les pasteurs viennent de vingt lieues à la ronde exercer les talens de ces industriels. L’isolement où vit cette classe de colons entretient parmi eux une certaine ignorance et quelque immoralité. La colonisation par groupes, comme celle de l’Amérique du Nord, est plus morale en ce qu’elle permet immédiatement l’établissement d’écoles, l’érection d’églises, et en ce qu’elle maintient le colon en la société d’être civilisés. Un autre malheur de la condition des colons australiens, c’est l’état d’incertitude où ils se sont trouvés long-temps, quant à la propriété des terres qu’ils occupaient. La concession leur en avait été faite à titre provisoire et révocable, de sorte qu’ils se regardaient comme des locataires exposés à recevoir tout à coup un congé, et n’ayant par conséquent aucun intérêt à faire des sacrifices pont améliorer le sol où ils étaient établis. Cette situation incertaine a fait obstacle au développement de la colonisation de la Nouvelle-Galles du Sud, qui aurait pris un essor plus grand encore, si les droits de chacun avaient été mieux déterminés. Aussi l’exemple n’a-t-il pas été perdu pour les autres colonies de l’Australie. Les droits de propriété y ont été établis, dès le principe, sur de bases définies et solides. Les derniers gouverneurs de la Nouvelle-Galles du Sud ont pris des mesures pour constituer la propriété, dans l’intérieur de cet établissement colonial, en acceptant, à titre de capital en paiement des terres occupées, vingt années du loyer de ces terres à verser en plusieurs termes.

Il arrive quelquefois que des sécheresses extrêmes chassent les colons et les troupeaux. Quand les réservoirs naturels sont à sec, quand les prairies jaunissent et que les herbages sont flétris, il faut bien partir, aller à la recherche d’eau et de pâturages. Les migrations de troupeaux sont une des plus pénibles épreuves de la vie des colons ; c’en est en même temps un des plus intéressans épisodes. Nous avons entre les mains le récit curieux d’un voyage de cette nature. C’était à la fin de l’année 1840. Un colon pasteur avait à conduire, des plaines de la Nouvelle-Galles du Sud dans la colonie de l’Australie méridionale, sept mille moutons, six cents bœufs et vingt chevaux. Le voyage était de plus de cinq cents lieues. Le colon engagea vingt-deux hommes à son service et il fit des provisions pour cinq mois. Le 26 octobre, l’expédition se mit en marche. En tête s’avançaient les bœufs réunis en un seul troupeau. Les moutons suivaient, formés en dix divisions. Vers le milieu du jour, la chaleur devint excessive. De midi à deux heures, les moutons haletans refusèrent de marcher ; ils se rassemblèrent autour des arbres, et tous les efforts des bergers et de chiens pour leur faire faire quitter ces ombrages furent inutiles. On fit donc une halte. Les bœufs de trait furent dételés, et on les laissa libres de paître dans le voisinage. Dès que l’atmosphère fut un peu rafraîchie, les troupeaux se remirent en mouvement. Quand vint la nuit, un endroit fut choisi pour y camper