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suffrages des Polonais ; en leur conseillant un Piast, je suis dans mon droit ; toujours les puissances étrangères ont recommandé leurs amis au choix de la Pologne, à moins qu’il n’arrive quelque dislocation (c’est-à-dire une guerre civile) ; alors, comme voisine, j’ai le droit d’intervenir[1]. » Il fallait éviter avant tout de donner un prétexte à cette intervention et suivre l’exemple de l’Angleterre, qui se conduisit dans cette occasion avec toute la franchise qu’on aurait pu nous souhaiter. Egalement épuisée par la guerre et occupée, comme nous, du soin légitime de sonder et de bander ses plaies, l’Angleterre refusa hautement tout secours à la Pologne.

Une conduite droite et franche aurait seule été digne de la France, et, nous pouvons le dire sans crainte d’un démenti, on l’aurait attendue d’elle plus aisément encore que du cabinet anglais ; mais elle était alors entravée par ce qui faisait sa faiblesse depuis long-temps, par cette funeste alliance autrichienne, qui ne lui laissait jamais la liberté de ses mouvemens. Il y a plus, le cabinet de Vienne s’éloignait alors en secret du cabinet de Versailles ; il essayait, à l’insu de son allié, une négociation séparée à Saint-Pétersbourg. Versailles prétendait ne rien faire en Pologne, Vienne pas davantage ; mais Vienne, qui n’avait pas même une apparence de parti à Varsovie, voulait hériter du parti français en rejetant sur Versailles tous les torts de leur commune inaction ; aussi les ministres de Marie-Thérèse ne cessaient-ils de demander à ceux de Louis XV une direction, un conseil, et les ministres de Louis XV répondaient à leur tour : « Commencez, nous suivrons. » Alors les envoyés impériaux à Varsovie appelaient les chefs du parti patriotique et leur disaient d’un air affligé : « Ce n’est pas notre faute, mais que faire sans la cour de France ?… Elle seule entrave tout… Nous n’y pouvons rien. »

Ce qu’il y avait de faux, de louche, de misérablement captieux dans cette politique, avait pour principe le manque réciproque de sincérité dans l’alliance de la France et de l’Autriche. L’amitié avait dicté les expressions du traité de Versailles ; la défiance et la haine en interprétaient l’esprit.

L’Autriche ne songeait qu’à exploiter notre impuissance ; elle ne s’était attachée à la France que pour l’assoupir dans une froide étreinte. Rien de ce qui pouvait rétablir la prépondérance du nom français n’entrait dans les desseins du cabinet de Vienne. Ainsi, quoique plus fortement intéressée qu’aucune autre puissance à l’intégralité de la Pologne, l’Autriche, dont les plaintes auraient dû précéder celles de tous les cabinets, ne fit pas un mouvement pour venir au secours de la république. Ce n’était pas ignorance ; l’œil perçant du prince Kaunitz,

  1. Conversation du comte Panin avec M. Bérenger, chargé d’affaires de France. — Archives des affaires étrangères.