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se trouvait dans des dunes de sable à quatre-vingts pas sur notre droite. Il fallut puiser pour la répandre dans les auges de pierre qui entourent toujours les puits.

Le lendemain, les bagages et le reste de la colonne nous avaient rejoints depuis quelques heures, quand il s’éleva un ouragan épouvantable. En dix minutes, le ciel entier devint un rideau de nuages, et le thermomètre baissant tout à coup, à une chaleur accablante succédèrent des tourbillons de neige ; par bonheur, nous nous étions réunis, car sans cela c’était fait de nous : à trois pas on ne se voyait plus, et de peur de s’égarer on était obligé d’aller arracher, au son du clairon, les genêts qui couvraient les dunes, le seul aliment de nos feux. Le lendemain, la terre était couverte de neige. Que l’on juge des souffrance de cette nuit et des deux jours qui suivirent, car ce ne fut que deux jours après que ce rideau de nuages se dissipa. Au premier soleil, les sables de la terre rocheuse de la plaine burent la neige fondue. L’air pourtant restait glacé ; mais nous avancions vers le sud, nous l’approchant des montagnes, dont nous eûmes bientôt atteint les passages les plus élevés. À travers ces rochers de grès et ces terres rougeâtres, de temps à autre, nous rencontrions un pistachier au maigre feuillage ou des genêts à la fleur violette. Notre colonne s’allongeait, descendant par une pente rapide dans la direction de Chellala. C’était du reste toujours ce même aspect morne, désolé, plein de tristesse, et les pieds de nos chevaux ne foulaient que l’alpha ou ces petits arbrisseaux a la feuille salée dont les chameaux sont si friands.

Quand la vue s’est ainsi fatiguée pendant de longs jours, sans pouvoir se reposer sur la moindre verdure, on ne saurait croire la joie qu’il y a à contempler une eau fraîche et courante, des feuilles, de larges feuilles, et aussi des arbres dont l’ombrage vous met à l’abri du soleil. Depuis quelques jours, le soleil était insupportable, et, lorsque nous arrivâmes à l’oasis de Chellala, nous en souffrions déjà assez pour trouver délicieux ces maigres figuiers et ses rares palmiers. Le général reçut les hommes et le tribut des gens de la ville, si toutefois on peut appeler ville ce ramassis de maisons bâties en terre, dont les rues étroites et fangeuses laissent voir une population étiolée et maladive. Là, comme toujours, comme partout, le Juif, avide de gain, a sa demeure et se mêle à toutes les transactions ; c’était le premier ksour qui se trouvait sur notre route ; notre séjour y fut de courte durée : nous allions reprendre notre marche vers Bou-Semroun, oasis située plus au sud, et qui refusait de payer le tribut.

Pour arriver à Bou-Semroun, l’on suit une vallée de sable d’une assez grande largeur. Des deux côtés se dressent des montagnes arides, et parallèlement à ces montagnes, laissent un espace entre le pied de la montagne et leur base, un soulèvement de rochers à la forme de