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trouve des oasis où s’élèvent des villes fortifiées, dépôts de grains et de marchandises des tribus nomades. À l’est des oasis de la province d’Oran, commence le pays de Beni-Mzab, qui renferme sept villes importantes ; ce sont les entrepositaires de tout le commerce du sud, et, au dire de la tradition, les descendans des Mohabites. Le fait est que presque tous les yeux bleus et les cheveux blonds ; leur langage aussi diffère de celui des Arabes. Schismatiques, puisqu’ils n’appartiennent à aucune des quatre sectes musulmanes autorisées, la sévérité de leurs mœurs, leur union, leur bonne foi, n’en sont pas moins célèbres, et, grace à leur activité, la plus grande partie du commerce d’échange, passe par leurs mains.

Au sud de ces plateaux de Sahara, parallèles au Tell et à la mer, commence la troisième région de l’Afrique, le désert, non pas ce désert de fantaisie que se figurent nos imaginations françaises, — du sable, du sable et toujours du sable, — mais des plaines immenses, où le regard se perd, des plaines sans eau, sans bois, ou plutôt n’ayant de l’eau qu’à certains points qui deviennent forcément le lieu de la halte. Sans doute on y rencontre des sables et souvent ils s’étendent au loin, balayés par les tempêtes : ils prennent alors les formes les plus bizarres, et reçoivent tantôt les noms de veines, tantôt celui de filets, selon l’apparence que leur a donnée le caprice des vents ; mais là aussi l’on trouve des oasis, des contrées entières, comme la grande oasis du Touat. Au-delà de ces immenses plaines se dressent des montagnes aussi fertiles que nos montagnes du nord : c’est le pays des Touareug, les flibustiers du désert ; enfin, de l’autre côté des montagnes, on découvre la terre du Soudan, la terre des Nègres, d’où l’on raconte tant de merveilles. Tel est le pays, en tirant une perpendiculaire depuis Alger jusqu’à Kachna, à plus de huit cents lieues de la côte[1]. Le royaume d’Haoussa, dont Kachna est la capitale, a été conquis, il y a trente ans environ, par une race blanche musulmane, nommée les Foulanes ; ainsi, par un singulier retour, tandis qu’une puissance chrétienne établit sa domination dans les contrées du nord, l’islamisme impose au centre de l’Afrique sa religion et ses armes.

La caravane, guidée par l’Arabe Cheggueun, était partie de Metilli, à neuf jours de marche de l’Abiot-Sidi-Chirq, cette oasis où s’était arrêtée la colonne française ; elle se mit en route au mois d’octobre, traversa les grandes oasis du Touat, le pays des Touareug, et arriva enfin, vers le mois de mars, dans le royaume d’Haoussa, au pays des Nègres. Cheggueun, son conducteur et l’historien du voyage, commence par

  1. De l’Égypte au Darfour, qui se trouve à peu près à la même hauteur du côté est de l’Afrique, il semble que le pays présente le même caractère. M. Théodore Pavie, dans cette Revue même, a donné une curieuse analyse du voyage au Darfour du Cheik-el-Tounsi. — Voyez la livraison du 1er janvier 1846.