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Ce dernier mot indique ce que la Prusse a perdu au dénoûment actuel : elle a perdu la chance qu’elle voyait s’ouvrir d’unir l’Allemagne sous sa suzeraineté ; mais cette chance, elle ne pouvait la tenir pour assurée que si l’Autriche démembrait, et de ce côté l’Allemagne perdait tant, qu’il nous est impossible de croire que la Prusse y gagnât beaucoup.

Comme les journaux expriment toujours les situations en les exagérant, les journaux de Vienne n’ont pas manqué de rire beaucoup de cette dernière déconfiture de l’unité allemande, qui se faisait prussienne, pour être quelque chose, et qui n’a même pas pu parvenir à exister tant bien que mal sous cette forme. Y a-t-il, dit le Lloyd de Vienne, y a-t-il quelqu’un encore d’assez simple pour croire à l’unité de l’Allemagne ? — Non, personne ne peut plus y croire ; mais beaucoup la regretteront et sauront gré à la Prusse des efforts qu’elle aura semblé faire pour défendre cette unité. Ce sera pour la Prusse une force d’opinion qu’elle n’aura peut-être pas beaucoup méritée, puisqu’elle effaçait l’unité allemande sous l’hégémonie prussienne ; mais elle en profitera cependant, et elle pourra, dans le duumvirat, se dire plus allemande que sa rivale et le faire croire au dehors.

Les railleries des journaux autrichiens à propos des mésaventures de l’unité allemande nous auraient beaucoup choqués, nous autres vieux libéraux qui voyions dans cette unité une idée libérale, qui, mal conçue et plus mal exprimée, nous plaisait cependant par son origine ; ces railleries, disons-nous, nous auraient beaucoup plus choqués, si, en même temps qu’ils raillaient l’unité, ces journaux ne défendaient pas la liberté. C’est au nom de la liberté même que les journaux de Vienne combattaient l’unité, et ceci fera connaître un des côtés encore de la polémique allemande. Qu’avons-nous besoin, disaient en effet beaucoup de libéraux allemands, à Vienne et à Berlin surtout, qu’avons-nous besoin du parlement germanique ? N’avons-nous pas un parlement à Vienne, à Berlin, à Munich, à Stuttgard, à Dresde, à Carlsruhe ? Ce sont ces institutions libérales, appropriées aux mœurs et aux intérêts de chaque contrée allemande, qu’il faut défendre et développer, et non pas un parlement germanique, qui est dangereux s’il est tout, qui est ridicule s’il n’est rien. Le parti libéral, qui, dans les divers états de l’Allemagne, pensait et parlait ainsi, n’a pas beaucoup regretté la chute du parlement de Francfort, mais nous ne savons pas s’il est très satisfait du duumvirat austro-pussien.

En face des complications et des incertitudes de la question allemande, quelle doit être la politique de la France ? Sa politique doit être, selon nous, simple et honnête. La France doit souhaiter tout ce qui pacifiera et fortifiera l’Allemagne. Hors de cette règle, nous ne voyons que machiavélisme d’autrefois et impuissance d’aujourd’hui.


Ce qui vient de se passer ici dans l’espace de trois jours, nous écrit-on de Madrid, confirme l’opinion de l’un de vos plus spirituels moralistes : il y a des choses vraies qui ne sont pas vraisemblables. Depuis quelques mois, les camarillas de la reine et du roi, quoique opposée entre elles sur plusieurs endroits