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ses salons encombrés d’hommes de tous les partis et de toutes les classes de la société. Je n’exagère pas en disant que j’y ai vu des milliers de personnes. Il en était de même chez tous les autres ministres.

Le lendemain, à peine les nouvelles nominations furent-elles publiées dans la Gazette, que ce fut un sauve-qui-peut général des employés publics. La cour suprême de justice (cour de cassation), le tribunal suprême de guerre et marine, le conseil royal, tous les tribunaux, le capitaine-général, le gouverneur et le chef politique de Madrid, les sous-secretaires, chefs de division, les autres employés des ministères, les inspecteurs de toutes les armes, les chefs de tous les corps de la garnison, la cour des comptes, les directeurs-généraux, jusqu’à de pauvres copistes des bureaux, donnèrent leur démission. Et les gens de se grouper dans les rues, et les sarcasmes, et les éclats de rire, et les épigrammes de voler de bouche en bouche. Le rapport de police, qu’on envoie tous les jours au ministère, annonçait la plus grande tranquillité dans la capitale, malgré le mécontentement public, et l’impopularité des dernières mesures. Il est vrai, ajoutait-on, qu’on avait observé quelques mouvemens dans la Puerta del Sol ; mais c’était seulement une explosion d’enthousiasme en voyant passer le duc de Valence. C’est à ce point que l’on méprisait les nouveaux ministres et qu’on affrontait leurs vengeances.

Pendant que ces choses se passaient dans la ville, la scène changeait entièrement dans les hautes régions. La reine, ne voyant pas paraître sa mère, qui lui fait tous les matins une visite, envoya savoir de ses nouvelles. On lui fit répondre que sa majesté était trop affectée de la scène de la veille, et qu’elle ne pouvait pas se résoudre à rentrer dans une maison où l’on faisait si peu de cas de ses conseils. En recevant ce message, la reine monta immédiatement en voiture et se transporta chez la reine Christine : elles restèrent enfermées pendant une heure. Isabelle retourna au palais fit appeler son mari, lui fit les plus sévères remontrances, et n’obtint de lui que cette réponse : Isabelita, le confieso que soi un majadero ; à ma chère Isabelle, je t’avoue que je suis un nigaud. » Le duc de Valence fut immédiatement appelé et prié, avec les plus vive Instances, de recomposer son ministère. Le duc opposa la plus vive résistance, et il ne céda qu’aux considérations d’intérêt public et de dévouement à la monarchie. Sur ces entrefaites, le comte de Clonard se fit annoncer. Il venait travailler avec sa majesté et lui faire signer une centaine de décrets. Introduit en la présence de la reine et du duc, il lui fut ordonné de signer la déposition de son ministère et la nomination de l’ancien.

Toute la trame ayant été bientôt découverte, il fallait procéder à la punition et à l’éloignement des coupables. Furent mis en prison la nuit même : l’ex-ministre Balboa, envoyé le lendemain à Ceuta ; l’ex-ministre Manresa, élargi immédiatement ; le révérend père Fulgencio, confesseur du roi : il a été le principal auteur de la conspiration ; il appartient à la congrégation des pères de las escuelas pias (écoles pieuses) ; il fit une longue résistance aux agens de police, mais, voyant qu’on était décidé à employer la force, il se laissa conduire ; on a trouvé parmi ses papiers son portrait, habillé en évêque (il ne l’est pas), quatre boites remplies de quadruples, un gros paquet de billets de banque et des correspondances compromettantes ; — sœur Patrocinio, religieuse du cou-