Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/596

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frappés dans leurs intérêts les plus chers et les plus pressans ; il jetèrent un cri d’alarme, comme si leur existence même était compromise. Quelle déchéance en effet, quand ils se virent forcés d’aller jusqu’au Bengale chercher des riz qu’ils durent payer argent comptant, et de tirer, soit du cap de Bonne-Espérance, soit du canal de Mozambique, des bœufs dont le prix s’accroissait de 4 à 500 pour 100, par le fait seul d’une navigation longue et pénible ! Faut-il insister encore pour faire comprendre combien doit être vif à Bourbon le désir de renouer nos rapports avec Madagascar ?

Le commandant de la station navale de Bourbon, chargé par le gouvernement de la direction des affaires extérieures, se trouva donc dépositaire de l’un des intérêts les plus vivaces de la colonie. Il y a trois solutions à cette question : on peut ou la trancher par la guerre, ou la dénouer par la négociation, ou enfin la tourner.

Précisons les termes. Faut-il rentrer de force à Madagascar ? La France possède par droit d’héritage un titre incontesté et imprescriptible à la domination de cette île : nous avons long-temps maintenu notre pavillon sur toute la côte orientale, depuis le cap Sainte-Marie jusqu’au cap d’Ambre ; au fort Dauphin, à Matatane, à Mananzari, à Tamatave, à Foulpointe et dans la baie d’Antongil, la trace de nos établissemens n’est point encore effacée complètement. Aux mains d’une nation comme la Hollande, calme, persévérante, tenace dans ses desseins et guidée par la politique des intérêts, Madagascar fût devenue une riche colonie, l’orgueil et la puissance de la métropole, car elle n’est ni plus malsaine ni moins fertile que Java. Le travail n’y serait ni moins fécond ni moins assuré, si la conquête respectait les mœurs et les lois antiques du pays ; mais nous qui semblons ignorer que la civilisation n’est point une pure abstraction qui se développe indépendamment des climats et des lieux, que dans la zone torride, où tout invite à la mollesse, où nul ne travaille que contraint et forcé, le principe de la liberté individuelle, si puissant dans l’Europe moderne, n’est plus que la liberté de ne rien faire, — qu’il consacre la fainéantise et tous les vices qu’elle entraîne à sa suite, et plonge l’espèce humaine dans l’abrutissement, — que ferions-nous de Madagascar avec notre code civil, notre politique chevaleresque et notre propagande humanitaire Cependant la possession d’un droit n’est point détruite parce qu’on en suspend temporairement l’exercice : peut-être un jour la France, instruite par les orages de sa liberté, saura-t-elle se servir de la conquête d’une manière utile pour elle-même et féconde pour cette belle contrée ; notre devoir est de réserver l’avenir. Faisons de l’île de Sainte-Marie la sentinelle gardienne de nos titres sur Madagascar, et qui témoigne de notre résolution de ne les point laisser périmer.

Ce fut à Sainte-Marie de Madagascar, presque en face de Tamatave