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puis successivement des ateliers, un hôpital, des jardins, des cultures, et tout cela presque sans frais pour l’état. C’est ici qu’il faut se donner le spectacle de ce que peut un homme de persévérance et de courage : l’établissement est son ouvrage, ou plutôt c’est l’homme tout entier ; il s’y est dévoué sans réserve. Que ne ferait-il pas pour obtenir quelques travaux de dessèchement ou d’endiguement peu coûteux, qui, dans sa pensée, assainiraient le port ! Il donne à toute l’île un haut exemple de moralité ; une honnête famille l’entoure, et le sol fécondé par ses travaux intelligens, lui rende en échange mille élémens de bien-être. Chez le commandant Vergès, on se croirait chez le chef de quelque colonie anglaise ou hollandaise au berceau. Si le gouvernement se décide, enfin, à faire sur l’île de Sainte-Marie un établissement national digne de la France a quel autre ce soin pourrait-il être mieux confié ?

Le climat de Sainte-Marie est généralement humide : on peut compter cent vingt jours par an troublés par des grains d’une pluie souvent très forte et parfois diluviale. Le sol est marécageux au bord de la mer ; c’est des lagunes alternativement couvertes et découvertes par le flux et le reflux que surgissent les émanations pestilentielles qui déterminent, dit-on, les fièvres du pays. Les nuits surtout sont funestes à cause de la stagnation des vapeurs marécageuses à la surface de la terre. Dans l’intérieur, le terrain est très inégal, coupé de vallons abrupts, de collines à arêtes tranchantes, à faces presque droites, où sont tracés d’étroits sentiers à peine praticables pour un mulet. D’épaisses herbes, un fouillis presque inextricable de ravinalos, de lianes, de fougères, tapisse les croupes des coteaux ; le fond des vallons est marécageux ; le riz y croît en abondance. Ce n’est pas une terre féconde ; mais les scènes de la nature et la population y frappent également l’Européen par leur aspect étrange et nouveau. Le ravinalo (arbre du voyageur) donne le caractère au paysage ; il déploie de tous côtés ses feuilles en éventail, tantôt isolé, tantôt par buissons et par masses. Les bois sont silencieux ; on n’y entend guère résonner que les deux notes du tulou, oiseau qui, pour la taille, la voix et le plumage, ressemble fort au coucou. Çà et là on rencontre un tanghin dont le fruit est si vénéneux et joue un si grand rôle dans la justice sommaire de Madagascar ; les indigènes ne passent jamais sous son ombre sans ressentir un respect mystérieux. Il y a aussi un palmier à crins, au tronc élégant, et aussi élancé que celui du palmiste, un arbre à résine, et enfin la liane à caoutchouc, d’où jaillit à l’incision un suc laiteux, blanc et abondant. On ne s’habitue pas tout de suite aux têtes des femmes malgaches : leur chevelure laineuse, dont elles ont le plus grand soin, ébouriffée par paquets, et leurs grands yeux fixes, dont le blanc ressort vivement sur leurs faces noires et luisantes, donne à leur