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distingué, qui s’est aventuré avec quelques succès dans les spéculations économiques, qui discute les doctrines de Malthus, de Ricardo et de Mac Culloch en homme versé dans la matière, et à qui il est impossible d’emprunter avec confiance un renseignement ou une conclusion ! M. Carey a fait un livre intitulé : Principes d’Economie politique, dont la seconde partie est consacrée « aux causes qui retardent la production de la richesse et l’amélioration dans la condition physique et morale de l’homme. » L’objet réel de cette seconde partie est d’expliquer le développement rapide des États-Unis et, plus encore, de prouver sous tous les rapports, les États-Unis sont supérieurs à toutes nations européennes et spécialement à la France et à l’Angleterre La démonstration a la prétention de s’appuyer exclusivement sur des données statistiques, et les têtes de chapitres ne servent guère qu’à amener de longues citations et des colonnes de chiffres. Nous laissons volontiers aux Anglais le soin de contrôler les chiffres que cite M. Carey pour l’Angleterre ; mais ce qu’il dit de la France est tellement en dehors, non-seulement du réel, mais du possible, que nous avons été singulièrement mis en garde contre ce qu’il dit de l’Amérique. Un auteur sujet à de telles hallucinations ne saurait être un guide bien sûr[1]. Et d’ailleurs ; une cause d’erreur commune à M. Carey et à tous les auteurs américains qui ont établi des parallèles entre les États-Unis et une nation européenne, c’est l’habitude de prendre pour premier terme de la comparaison, ou la France entière avec ses provinces riches ou pauvres, ou l’Angleterre avec l’Ecosse et l’Irlande, et pour second terme, un ou deux états seulement de l’Union américaine. Si nous nous servions du département du Bas-Rhin, où 99 personnes sur 100 savent lire, écrire et compter, pour prouver qu’en France

  1. Il faut motiver ce jugement sévère. Nous remplirions des pages avec les erreurs de M. Carey ; qui prend des noms de province pour des noms de ville, et accole dans la même phrase la ville de Saintonge et la ville d’Arras. Il assure que la France est divisée en 23,000 communes, sur lesquelles 2,000 n’auraient ni église ni desservant. Il affirme que plus de la moitié du sol de la France est cultivée par des métayers ; le premier almanach lui aurait appris que sur plus de 40 millions d’hectares consacrés à la production agricole, 7 à 8 millions au plus sont encore cultivés en métayage. Les autorités de M. Carey sont surtout curieuses. Il prend pour tableau fidèle de l’agriculture en France un ouvrage qui a trente ans de date. Son guide de prédilection est un touriste américain qui est venu passer un été dans les Pyrénées. À défaut des impressions de voyage de M. Murray, M. Carey s’adresse aux touristes et aux romanciers, et enfin aux Magazines anglais. Deux ou trois ouvrages française de dates surannées complètent ses renseignemens. M. Carey ne parait pas s’être douté que le budget de la France s’imprimait et se discutait tous les ans, que l’administration française publiait chaque année les documens statistiques les plus étendus sur toutes les branches de la production ou de la dépense nationales, enfin que les renseignemens les plus complets et les plus exacts sur la situation véritable de la France se trouvaient dans les rapports annuels présentés par les préfets aux conseils généraux des départemens.