Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/683

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de soie, et, à la différence de ce qui se passe en Europe, leurs femmes et surtout leurs filles se couvrent de bijoux, et mettent aux moindres objets de toilette des prix extravagans. Au sein de chacune des villes un peu anciennes se trouve un petit noyau de familles opulentes descendues des premiers émigrans, et qui, sacrifiant à leurs aises toute prétention à l’influence politique, se voient exclusivement entre elles, et forment un cercle où il est très difficile de se faire admettre ; il en est ainsi à Boston, à Philadelphie, à Baltimore, à Charleston. À New-York, les familles des anciens patroons hollandais, qui comptent des gens dix et quinze fois millionnaires, impitoyablement bannies, depuis quarante ans, de toutes les fonctions publiques, forment peut-être la coterie la plus riche et la plus exclusive qu’il y ait au monde.

Le trait le plus caractéristique de la population de la Nouvelle-Angleterre était autrefois l’ardeur et la sincérité de la foi religieuse. Ce trait tend à s’effacer. Pour jouir de quelque considération aux États-Unis, pour être regardé comme un honnête homme, il faut appartenir de nom et de fait à une secte religieuse quelconque. Il est indispensable que vous assistiez le dimanche à l’office de telle secte qu’il vous a plu de choisir ; mais, cela fait, vous êtes quitte. Les exigences de l’opinion sont demeurées les mêmes, mais non pas celles des sectes religieuses, et il en est aujourd’hui dont les doctrines s’accommodent d’une très grande liberté de penser. La classe aisée du Massachusetts appartient presque tout entière à la secte des unitaires, qui a vu décupler, depuis vingt-cinq ans, le nombre des ses églises et de ses ministres, et dont les progrès ne se ralentissent pas. Il convient d’en dire quelques mots. Au commencement du siècle, on vit se répandre dans la Nouvelle-Angleterre les doctrines des universalistes, ainsi nommés parce qu’ils croient que tous les hommes seront sauvés après une expiation proportionnée à la gravité de leurs fautes. Cette secte, que les autres protestans qualifient de relâchée, fit des progrès assez rapides, et prépara la voie à l’unitarisme, par laquelle elle a été absorbée. À la différence des puritains et des presbytériens, qui exigeaient de chaque individu, avant de l’admettre à la cène, une profession de foi et des preuves manifestes de conversion, telles, par exemple, qu’une confession publique, les universalistes prétendaient qu’il était impossible à un ministre et même à une congrégation de discerner ceux des fidèles qui étaient ou n’étaient pas régénérés par la grace, et que, la cène étant un moyen de régénération, il ne fallait la refuser à personne, parce que la participation du sacrement confirmerait dans la grace ceux qui l’avaient déjà, et attirerait à Dieu ceux qui ne l’avaient point encore. Ils admettaient donc tous les fidèles à la cène, à moins d’une conduite extrêmement scandaleuse, et sans aucune des conditions d’orthodoxie et de pénitence qu’exigeaient les ministres des autres sectes. Leurs progrès furent d’autant plus grands, qu’en affranchissant