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Aussi, lorsque quelques écrivains éminens, un peu après 1830, eurent introduit en Amérique la connaissance de la philosophie allemande, vit-on des théologiens unitaires prétendre que la foi ne peut s’appuyer sur les miracles, et qu’il faut démontrer rationnellement la vérité de la doctrine chrétienne avant de croire aux miracles, et quelque attestés qu’ils soient. La Bible étant un mélange de vérités et d’erreurs, la foi basée sur la Bible ne repose que sur des probabilités ; il faut demander à la raison la connaissance et la démonstration de ce qui est essentiel en religion. Les plus hardis, dans ces dernières années, sont allés jusqu’à dire que toutes les religions, y compris toutes les branches du christianisme, ne sont qu’un développement plus ou moins élevé du sentiment religieux inhérent au cœur humain. Tous les hommes qui ont fait faire un pas à la morale et au sentiment religieux, Moïse, Minos, Zoroastre, pour ne prendre que les plus anciens, ont été guidés par une impulsion venue d’en haut ; Jésus de Nazareth a eu part plus que personne à cette inspiration divine ; il n’est pas probable, mais il n’est pas impossible qu’il se rencontre un jour un révélateur encore plus favorisé. Jésus-Christ n’a donc point été un médiateur entre Dieu et les hommes, il est seulement le modèle jusqu’ici le plus parfait que nous devions nous proposer dans notre conduite envers Dieu.

L’unitarisme, arrivé à ce degré, n’est plus, à vrai dire, une doctrine religieuse ; c’est une opinion philosophique, et aucune différence sérieuse ne le sépare du déisme. Il a eu une action considérable sur les esprits en Amérique, parce que son point de départ était un principe de tolérance et de charité, et que sa prétention de faire appel aux facultés les plus hautes de l’intelligence humaine et d’arriver directement à Dieu se prêtait merveilleusement, dans la bouche d’hommes de talent et imbus de mysticisme, à tous les élans et à toutes les effusions de l’idéalisme religieux. L’unitarisme, dans ses derniers développemens, ne donne plus à la morale d’autre sanction que les indications de la conscience. Toute théorie religieuse ou philosophique aboutissant à des règles de conduite, nous craignons que tôt ou tard il ne se trouve des gens qui tirent de l’unitarisme, pour la pratique, les conséquences les plus dangereuses. Nous craignons qu’Emerson, outre la communauté de la vertu et du génie, n’ait, avec Spinoza, cette autre communauté, moins désirable, de disciples qui ne ressemblent en rien à leur maître.

Nous avons cru devoir signaler, comme un fait digne de remarque et propre à quelque jour sur la situation intellectuelle et morale de la Nouvelle-Angleterre, cette circonstance que, si personne encore demeure en dehors des pratiques religieuses et n’y fait profession de indifférence, l’unitarisme, à ses divers degrés, est la doctrine dont les progrès sont le plus rapides, et compte parmi ses adhérens presque