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ou abaisser cette barrière à peine posée. Plus d’une fois elle s’est adressée aux communes pour obtenir leur concours, afin de substituer à des collèges en décadence des écoles industrielles plus appropriées aux besoins véritables des localités Les conseils municipaux, composés de citoyens, c’est-à-dire encore de pères de famille, ont presque toujours préféré la satisfaction de posséder un petit collége, où on enseignait mal les connaissances élevées, à l’humiliation de se contenter d’une bonne école de second ordre. Nous l’avons enfin indiqué déjà dans le précédent article, l’idée constitutive de l’Université, l’établissement d’une corporation enseignante, d’une sorte de communauté d’honneur, par conséquent qui devrait grandir, à leurs propres yeux, la position des plus humbles membres, était une idée essentiellement conservatrice. I’esprit de corps est un des plus puissans élémens de règle et de résistance que renferme en soi le mécanisme social. C’est le débordement de l’esprit démocratique qui, peu à peu, a fait eau dans cette forte machine.

Que si c’est, à le bien pendre, la société qui a dénaturé l’Université, est-il à croire que la liberté à elle seule guérisse la société ? La liberté, qu’est-ce autre chose que la société livrée à elle-même et à ses propres instincts- ? La liberté, c’est la concurrence. À quoi d’ordinaire s’adresse la concurrence ? Aux goûts et souvent même aux faiblesses du public. Je sais bien quelle comparaison un peu matérialiste fait illusion aux amateurs exclusifs de liberté. Comme dans l’industrie la concurrence a souvent pour effet d’élever à elle seule la qualité des objets offerts, en excitant entre leurs producteurs une vive émulation, on s’imagine qu’il va en être immédiatement de même en matière d’enseignement. On se met en tête que les institutions libres et les institutions publiques vont rivaliser sur-le-champ de bonne et saine éducation, les unes et les autres pour attirer la confiance des pères de famille. L’honorable rapporteur de la loi soumise à l’assemblée nationale n’en fait même aucun doute. Nous craignons qu’il n’y ait là une confusion inaperçue entre les besoins matériels et les besoins moraux. Les besoins matériels sont âpres et cuisans ; ceux qui les éprouvent en souffrent vivement ; ils cherchent avec anxiété à s’en délivrer. Il en est tout autrement des besoins moraux : souvent on s’en aperçoit d’autant moins qu’on en est plus affecté ; le mal est d’autant moins sensible qu’il est plus profond. Les consciences les plus chargées, par exemple, sont en général les moins scrupuleuses ; les esprits les plus ignorans sont les moins curieux de s’instruire. L’indifférence est le dernier abîme de l’irreligion. La concurrence en matière d’enseignement trouvera les pères de famille tels qu’ils sont en grande masse en France, désirant, en fait d’éducation, ce qui brille plutôt que ce qui est solide, mécontens surtout quand on les trouble dans leurs illusions paternelles. N’est-il pas à craindre que trop souvent elle ne les serve à leur fantaisie ? Elle leur