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propos dans une voie où il ne peut marcher. Un candidat bachelier, aujourd’hui, est une victime qui attend son arrêt : il a passé l’âge d’entrer au service ou de se faire apprenti dans une maison de commerce ; s’il n’est pas bachelier, il ne saura que devenir ; la misère, une misère sans espoir, l’attend à la porte de la Sorbonne. Placé de bonne heure, au contraire, pour prévenir et non pour tromper de fausses espérances, l’examen que nous proposons laisse encore à l’enfant même refusé, outre la faculté de recommencer l’épreuve, s’il lui convient, toutes les portes ouvertes vers une activité digne et utile : ce n’est point une condamnation qu’on porte, c’est un conseil qu’on lui donne et un service qu’on lui rend. Les motifs de pitié qui affaiblissent naturellement la sévérité des juges dans l’examen actuel du baccalauréat ès-lettres ne militeraient point, dans cette nouvelle épreuve, en faveur du candidat.

Cette idée a déjà été mise en avant plusieurs fois : on en a ébauché, mais compromis en même temps l’exécution, en essayant d’établir, à l’issue de toutes les classes, dans l’intérieur même des collèges, une sorte d’épreuve orale, qui, n’ayant d’autre appréciateur que le professeur lui-même, intéressé naturellement à ne pas avoir fait de trop mauvais élèves, n’a pas tardé à dégénérer en une vaine formalité, Il faut, suivant nous, y revenir promptement, en entourant l’examen nouveau de toutes les garanties lui peuvent lui donner une consistance véritable, Il faut que ce soit un premier degré dans la carrière des lettres, un pas vraiment difficile à franchir. Tout le temps qu’il n’existera pas à ces conditions, il ne faut pas espérer de voir cesser la confusion funeste qui précipite dans une seule direction toute la jeunesse de France. Vainement ouvrirez-vous des écoles industrielles, ou dans les collèges mettrez-vous à côté des classes d’humanités d’autres leçons de sciences usuelles ou de langues vivantes ; ces écoles et ces classes seront désertes, et cela par une raison toute simple : c’est que, quelque peu de goût et d’aptitude qu’on se sente au fond pour l’éducation littéraire, comme elle a quelque chose de plus flatteur qu’aucune autre, comme à tort ou à raison l’opinion commune en fait l’apanage des gens bien élevés, comme toute autre éducation a un parfum mercantile qui déplaît, personne n’y renonce de soi-même et ne descend volontairement d’un degré l’échelle sociale. Des enfans s’y résigneraient-ils, que les pères ne veulent pas consentir à un si cruel échec d’amour-propre. Un examen sévère est la seule chose qui, en les éclairant sur l’aptitude de leurs enfans, puisse les décider à consommer ce sacrifice. L’éducation publique, qui s’est prêtée à leurs espérances, en recevant leurs enfans dans ses classes, doit, au bout d’une épreuve suffisante, leur tenir en temps opportun un langage pénible, mais utile et franc. Dût-elle les contrister elle leur doit la vérité ; c’est cette vérité que les juges de ne nouvel examen seraient chargés de leur faire entendre.