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comme l’éducation littéraire, ses grades, ses privilèges, son but plus modeste, mais aussi mieux défini, où l’aiguillon de l’émulation se ferait sentir, où le champ de l’ambition serait également ouvert, mais sous un horizon plus borné et pour être parcouru d’un pas plus réglé.

Mais quoi ! nous dira-t-on, vous ne craignez donc pas de multiplier les diplômes et de créer ainsi une nouvelle sorte de candidats aux fonctions publiques. Nous ne multiplions ici ni ne créons rien ; nous distinguons seulement là où le système actuel a le tort de confondre. Au lieu d’un diplôme unique donné à la fin des études avec une facilité désespérante, qui passe en quelque porte le niveau d’une : moyenne très vulgaire sur toutes les inégalités d’intelligence, nous proposons d’établir de bonne heure une ligne de démarcation entre les facultés diverses des jeunes gens, et de constater ensuite cette diversité par des titres d’inégale valeur. Au lieu d’exiger ce diplôme unique et pêle-mêle pour toutes les fonctions publiques, de quelque ordre qu’elles soient, élevées ou inférieures, humbles ou brillantes, qu’elles touchent à des détails d’administration ou à de hauts intérêts politiques, nous proposons deux ordres de certificat d’aptitude proportionnés au degré d’importance des divers emplois. Dans l’état actuel, le baccalauréat ès-lettres est la clé commune de toutes les carrières. Il faut aussi bien être bachelier pour être employé surnuméraire dans l’enregistrement que pour être auditeur au conseil d’état. Le diplôme de bachelier établit ainsi entre des situations et des qualités profondément inégales une égalité factice qui n’engendre que du désordre. Il met en concurrence des mérites qui n’auraient jamais dû se rencontrer sur la même ligne. Notre plan, en séparant de bonne heure les jeunes gens destinés, par leurs facultés, à la haute éducation des lettres de ceux à qui une instruction plus simple est seule appropriée, puis en dirigeant les prétentions de ces derniers exclusivement sur les fonctions publiques qui n’exigent que peu de connaissances, introduirait quelque ordre dans la foule qui assiége la porte des administrations. Sans contredit, il vaudrait encore mieux que cette foule fût tout-à-fait dispersée, et que l’on n’eût pas tant l’habitude, dans les familles, de compter sur le budget pour compléter ce qui manque à leur patrimoine ; mais, puisque cette faiblesse ou plutôt ce fâcheux état social existe, il faut compter avec lui il faut régler le débordement qu’on ne peut contenir. Ce peut être même là pour l’état une manière d’agir insensiblement sur les mœurs générales de la société. En mettant ainsi en regard ces deux éducations, l’une classique et l’autre professionnelle, en traitant l’une et l’autre avec un soin égal, puis en échelonnant leurs élèves à divers degrés de la hiérarchie administrative, il accoutumerait les esprits les plus passionnés d’égalité à reconnaître une certaine classification, non pas de rang, mais de mérite, à laquelle le principe démocratique le plus absolu ne pourrait rien trouver à reprendre. Ces fonctions publiques,