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la dette publique quand on applique cet amortissement l’excédant du revenu sur les dépenses ; mais éteindre un emprunt pendant que l’on en contracte un autre, ou, pour mieux dire, emprunter pour amortir, c’est faire une opération que la science condamne et qu’aucun résultat ne justifie.

M. le ministre des finances complète ces ressources supplémentaires par l’établissement de nouveaux impôts, dont il estime le produit annuel à 79 millions. Dans le nombre figure un impôt sur le revenu, nouveauté qui semblait avoir déjà vieilli, théorie dont l’assemblée constituante elle-même n’avait pas encouragé l’application, et que l’on ne s’attendait pas à voir remettre en honneur devant l’assemblée législative. Aux termes du projet, l’impôt sur le revenu serait une taxe de quotité pour les communes, et de répartition pour les contribuables, qui devrait rendre 60 millions à l’état, et qui demanderait ainsi à chaque contribuable, suivant les calculs du ministre, à peu près 1 pour 100 de son revenu réel.

Ce qui frappe d’abord l’esprit en examinant le projet de M. le ministre des finances, c’est l’incroyable disproportion des moyens avec le but. M. Passy va puiser le revenu à des sources absolument nouvelles ; il change le principe et l’assiette de l’impôt, bouleverse de fond en comble notre système financier, jette l’alarme et l’effroi parmi les contribuables, fait tressaillir d’aise, comme à l’aspect d’une chance inespérée, les niveleurs du socialisme, et tout cela pour obtenir 60 millions !

Je comprends sir Robert Peel rétablissant l’income-tax en pleine paix, parce que l’on avait essayé vainement, avant lui, de toutes les autres combinaisons pour ramener l’équilibre entre les revenus et les dépenses parce que les produits de cet impôt devaient excéder 5 millions sterling et permettre de supprimer ou d’adoucir des taxes qui foulaient le peuple ; enfin, parce que, l’impôt indirect étant à peu près l’unique source du revenu dans la Grande-Bretagne, il y avait lieu d’atteindre d’une manière directe des classes qui contribuaient trop faiblement aux charges publiques.

Je m’explique le projet de M. Goudchaux, car il procédait d’une doctrine plus générale, de celle qui voulait que le gouvernement nouveau eut, en matière d’économie politique, des idées à lui, et qui se proposait de créer, au rebours du monde entier, « des finances républicaines. » Ce projet était le premier anneau de la chaîne, le premier essai d’un svstème qui tendait à remplacer tous les impôts indirects par des taxes directement assises sur les fortunes. En grevant d’une contribution spéciale les revenus mobiliers, on se promettait de « ramener les capitaux vers l’agriculture, » et même, à un point de vue plus élevé, d’introduire, pour parler la langue de l’époque, la justice distributive dans notre régime financier. Il y avait là d’étranges illusions,