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années qu’après chaque grande secousse et la halte forcée que l’art subit au milieu de ces crises, de nouveaux signes de vie se manifestent dans le domaine de l’imagination en même temps que le calme extérieur se rétablit dans la société, s’il est vrai qu’à la suite de chacune de nos révolutions, et comme pour en fixer l’impression vive et rapide, des tentatives plus ou moins heureuses soient venues prouver que ces événemens gigantesques ne sont pas entièrement perdus pour l’esprit humain, et qu’il retrouve alors dans ses agitations et ses souffrances mêmes une sorte de douloureux éveil, pourquoi n’en serait-il pas de même aujourd’hui ? Maintenant que le bruit de la lutte commence à s’apaiser que, repoussées par la raison et la lassitude publiques, les doctrines destructives se condamnent à une sorte de propagande, souterraine et prennent des allures aussi dangereuses peut-être, mais moins officielles et moins apparentes, maintenant que le monde, dégoûté de miasmes, demande à respirer quelques bouffées d’air pur, pourquoi ne s’accomplirait-il pas dans l’art quelque chose d’analogue à ce qui s’est passé après la grande révolution, après les déchiremens de l’invasion et de la guerre, après les événemens de 1830, dans ces trois mouvemens successifs de l’esprit moderne d’où sortirent Chateaubriand et Mme de Staël, puis l’école poétique de la restauration, et enfin ce dernier groupe de grandes et belles œuvres, soleil couchant que l’on put prendre pour une aurore, et qui peut encore, dans ces années d’attente trompée, tant de splendeur et d’éclat ? Pourquoi, puisque le même choc a eu lieu dans les événemens et les intelligences, n’en jaillirait-il pas la même étincelle, n’en surgirait-il pas la même flamme ? En désespérer, ce serait manquer de respect envers une époque et une génération qui n’ont pu encore faire leurs preuves, et il est à la fois plus consolant et plus poli de les attendre que de les décourager.

En invoquant ces tentatives, ce curieux éveil d’un art nouveau, d’une inspiration originale, nous avons au moins un motif et une excuse : c’est l’impossibilité, pour la critique la plus bienveillante, de se contenter des œuvres qui passent en ce moment sous ses yeux, et où l’on retrouve presque toujours, altérées et affaiblies par un inutile essai d’alliance, les tendances d’écoles autrefois ennemies, aujourd’hui oubliées. C’est ainsi que M. Adolphe Dumas ramenait, l’autre soir, en plein Théâtre-Français, et au milieu d’une inexorable indifférence, la vague incohérence des contrefaçons byroniennes et l’écho posthume des mélopées d’un autre âge. C’est ainsi que, samedi dernier, une énorme tragédie, shakspearienne d’intention, classique de fait, cachant à peine, sous quelques détails d’érudition archaïque et de familiarité romaine, l’antique appareil de ses tirades et de ses prétentions au beau vers, est venue peser de tout son poids, six heures durant, sur un auditoire majestueusement ennuyé. Ce que nous relèverons tout d’abord dans le Testament de César, ce sont ces élémens contradictoires, empruntés aux traditions et aux systèmes les plus divers, et qui, sous prétexte de conciliation, ne produisent qu’une confusion stérile et fâcheuse. Et puis, pourquoi ce titre, le Testament de César ? Est-ce pour éviter le parfum de collége, le soupçon de tragédie rhétoricienne qui se fût peut-être exhalé de ce titre plus net et plus exact, la Mort de César ? Est-ce pour déplacer les conditions de réussite, et les amener sur le terrain de l’allusion, le plus antipathique à tout succès sérieusement littéraire ? Si c’est là ce que l’auteur a voulu, nous devons l’avertir qu’il s’est trompé. Rien dans sa