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continuation de Candide, si tant d’atticisme, d’esprit et de grace devait aboutir à tant de fiel et de boue, s’il fallait nous résigner à voir une succession pareille tomber en de pareilles mains, à reconnaître que M. Proudhon est à notre siècle ce que Voltaire était au sien, ou que notre siècle est au siècle, dernier ce que M. Proudhon est à Voltaire, jamais Voltaire et notre siècle n’auraient subi de plus sanglant affront.

Quel temps que celui où de telles doctrines, consignées dans de tels l’ivres conduisent un homme plus près de l’assemblée nationale que de Charenton ! Il y a là un indice que la critique ne doit pas passer sous silence ; on en trouve un aussi dans cette mine souterraine que viennent de se creuser les idées socialistes, à qui ne suffit plus le grand air des journaux. Au moment où nous écrivons, elles multiplient à l’infini ces prétendus almanachs où se résument sous une forme plus ou moins populaire, les articles du Peuple et de la Vraie République. Il y en a par centaines : Almanach démoc-soc, Almanach satirique, cabalistique, satanique, fatidique, prophétique, Almanach du peuple, des Opprimés, des Proscrits, des Citoyennes, des Travailleurs, des Prolétaires, des Victimes. On ouvre ces petits livres, qui ne semblent devoir contenir que des vérités usuelles ou des prédictions atmosphériques, et on y trouve, en petit format, de grosses injures contre tout ce que respectent les hommes de bon sens et de bon goût. Ce qu’il y a de triste, c’est que des plumes exercées, des écrivains que devrait dégoûter ce cloaque de l’outrage à tant la ligne, n’ont pas dédaigné, dit-on, de mettre la main à cette lourde et grossière pâte, gonflée de tout le levain des haines et des mensonges communistes. Que dire, hélas ! de ce nouveau genre de saillies aristophanesques, de cette Ménippée faubourienne, de ces réimpressions illustrées des premiers-Paris de l’insurrection et de la révolte ? Que dire de ces dessins informes, de ces bons mots d’estaminet, de ce nouvel impôt levé sur Athènes par des fanfarons de barbarie ? Si ces petits livres renferment la comédie de notre temps, elle n’est pas gaie ; s’ils en marquent la température, elle n’est pas saine. J’aimais mieux Molière et Mathieu Laensberg.

ARMAND DE PONTMARTIN.