Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/755

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naturel et fort admissible. Il est tout simple qu’ayant la responsabilité des affaires, le président et son parti veuillent en avoir la direction ; il est tout simple qu’ayant donné à la combinaison du parti modéré une tête illustre et significative, il ne veuille pas que cette tête ne soit qu’un nom et une enseigne. Ou voulait changer la présidence en un titre ; le président la ramène à un emploi. Soit ; mais cette impatience de mettre en relief la main, la volonté du 10 décembre, et la pensée du parti bonapartiste, cette impatience de tirer ce parti de l’éclipse qu’il subissait en commun dans le parti modéré, cette revendication de la personnalité, que nous ne blâmons pas et que le message exprime d’une manière vive et fière, qu’est-ce autre chose que relever son drapeau ? Maintenant le parti bonapartiste a-t-il été, le seul à le faire ? D’autres partis ne se sont-ils pas aussi lassés de cette abnégation prolongée ? N’ont-ils pas voulu paraître et primer ? N’y a-t-il eu enfin que le parti bonapartiste qui ait eu l’intention de donner son nom particulier à la raison sociale qui s’appelle le parti modéré ?

Franchement, le parti bonapartiste n’est pas le seul qui ait voulu être en nom. Comme nous souhaitons vivement que l’union du parti modéré puisse durer sous la nouvelle forme que lui donne le message du président, nous nous garderons bien d’insister sur les griefs que peuvent avoir les unes contre les autres les diverses portions de ce parti, et d’ailleurs, comme nous l’avons déjà dit, nous mettons les torts, s’il y en a, sur le compte de la force des choses. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas nous dissimuler que, si la crise du 31 octobre a surtout été causée par la revendication que chaque parti a faite de sa personnalité, la plus éclatante et la première de ces revendications a été celle que le parti légitimiste a faite par la bouche de M. Berryer. Nous y avons applaudi de grand cœur, et non-seulement nous l’avons trouvée admirable, nous l’avons même trouvée inévitable. Oui, une fois que la question du bannissement était posée, une fois qu’on proposait de rappeler les princes exilés de la maison de Bourbon, il fallait que M. Berryer, qui refusait ce rappel, dit pourquoi il le refusait, et il est impossible de le dire en termes plus énergiques et plus magnifiques. Mais il est arrivé alors une chose singulière. On aurait cru que le pouvoir d’aujourd’hui devait surtout s’offenser de ceux qui voulaient faire rentrer en France les plus élevés représentans du pouvoir d’hier et d’avant-hier ; ç’a été tout le contraire, parce que le pouvoir d’avant-hier a pris dans le discours de M. Berryer une attitude plus décisive en restant en dehors il ne l’eût fait en rentrant en dedans.

Faut-il croire que le message du président n’a été que le contre-coup du discours de M. Berryer ? Non. M. Berryer, remarquons-le bien, proclamait un principe ; mais il ne réclamait aucune part de pouvoir pour ce principe ni dans le présent ni dans l’avenir la marche des choses avait amené chaque portion du parti modéré à revendiquer son principe ; M. Berryer revendiquait le sien.

Cette revendication réciproque montrait en même temps que, dans le parti modéré, il y avait toujours, trois partis, au lieu de n’y en avoir plus qu’un, comme le président avait pu l’espérer. Du moment qu’il y avait toujours trois partis, et que ces partis continuaient leur à parte sur certains points, il était juste peut-être que le président et son parti réclamassent la primauté. Le parti du président ne pouvait renoncer à être le parti directeur qu’à la condition que tout le monde renoncerait à être un parti.