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M. Olozaga, malgré le tact, les ménagemens étudiés de ses insinuations, n’a pas été plus heureux en cherchant à diviser la majorité. Sans être pessimiste on pouvait supposer jusqu’ici que plus d’un germe d’aigreur subsistait entre M. Mon et ses anciens collègues. Celui-ci avait, il est vrai, refusé de disputer la présidence du congrès au candidat du ministère ; mais c’était une question de savoir si ce refus était un acte de désintéressement ou un calcul, et si M. Mon avait obéi, en cette circonstance, bien moins à des vues conciliatrices qu’au désir de garder pleine et entière sa liberté d’action dans les débats. Grace à M. Olozaga, le doute n’est plus permis. Le général Narvaez, avec autant de loyauté que d’adresse, a pris la défense de M. Mon, qui le lui a bien rendu en promettant, dans toutes les questions de politique et d’administration, son concours au cabinet. De l’aveu de l’ancien ministre des finances, les motifs de sa retraite se réduisaient à des querelles de famille (riñas de familia), qui n’avaient qu’une signification de circonstance, et dont la cause même est oubliée. Voilà qui est donc bien entendu : toute éventualité de crise basée sur les ressentimens et sur l’importance personnelle de M. Mon a disparu. Si les circonstances rappellent M. Mon aux affaires, il y rentrera non par la brèche, mais par la grande porte, non comme vainqueur, mais comme renfort.

Tout en tenant compte des bonnes intentions du nouveau ministre des finances, nous applaudirions volontiers, quant à nous, à cette réinstallation pacifique de M. Mon. Depuis sa retraite, la pensée réformiste semble comme enrayée ; on sent l’absence de cette volonté tenace, de cette obstination intelligente qui mettaient au service de la régénération financière du pays les qualités et les défauts de l’amour-propre d’auteur. Ces réflexions nous sont surtout inspirées par la lecture du nouveau tarif. M. Bravo Murillo s’est rigoureusement conformé, si l’on veut, à la lettre de la dernière loi des douanes ; mais en a-t-il bien interprété l’esprit ? M. Mon, et cela résulte de tous ses discours, poursuivait un double résultat anéantir à tout prix la contrebande, assurer à l’Espagne sa liberté d’action extérieure en livrant les importations des autres pays à leur équilibre naturel. Dans ce but, il avait su obtenir des chambres que d’assez nombreux détails d’application fussent laissés au pouvoir discrétionnaire du gouvernement. Or, nous craignons bien que M. Bravo Murillo n’ait usé de ce pouvoir discrétionnaire dans un sens différent. Le nouveau tarif, loin de fortifier le principe de la dernière loi des douanes, semble en être, sur beaucoup de points, le correctif.

Il ne reste plus aucune trace de l’intrigue Fulgencio-Patrocinio. Voici ce qu’on nous écrit à ce sujet de Madrid : « Après le rétablissement du cabinet Narvaez, tout est rentré ici dans le calme le plus profond. Le roi lui-même ne boude plus ; il a reçu les ministres de la manière la plus affectueuse, et a embrassé avec effusion le duc de Valence. La reine en est aux petits soins pour réparer sa faute ; elle a fait cadeau au duc de son plus beau cheval de selle, et lui a écrit une longue lettre remplie de protestations d’amitié et de reconnaissance. Les hauts employés du palais, qui s’étaient démis de leurs charges, sont rentrés en fonctions et se résignent tranquillement à dépendre du ministère d’état. C’est sous ces auspices que la législature a été ouverte. Dans la formation du bureau, le ministère a obtenu une grande majorité, résultat d’autant plus remarquable, que, par suite de la dernière crise, on n’avait pas eu le temps