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les sources innombrables qui peuvent alimenter son existence, il convient alors que l’état fasse sa récolte au moyen de divers modes d’impôt La puissance et l’utilité des capitaux s’accroissent par la circulation. Saisir le revenu au moment où il se forme et se distribue, suivre la richesse dans ses transformations, est aussi un des problèmes que l’impôt doit résoudre. Voilà ce qui rend nécessaires les taxes de consommation. Tel peut aisément payer, goutte à goutte, à l’impôt indirect 20 à 30 francs par année, qui laisserait vendre son mobilier plutôt que de verser en bloc 5 ou 6 francs entre les mains du percepteur des contributions directes.

Il y a un équilibre à maintenir entre les deux principales directions de l’impôt, équilibre qui dérive de l’état de la société et de la nature des choses. Le progrès même de la richesse peut en changer les proportions, et c’est ce qui oblige un gouvernement sage à réviser périodiquement l’assiette des contributions ainsi que les bases du budget. Le moment de cette révision était arrivé pour nous, quand la révolution de février, dissipant les ressources et paralysant les forces productives du pays, a suspendu violemment le cours des réformes financières. Cependant il y avait bien plutôt à remanier en vue d’une distribution meilleure qu’à supprimer ou qu’à restreindre les taxes de consommation, qui représentent à peine, dans le budget des recettes, un contingent de 40 pour 100[1].

Si on voulait établir un principe général dans cette matière, où les règles varient comme la situation de chaque peuple, ce serait peut-être la convenance de développer en temps de paix les taxes de consommation qui servent, pour ainsi dire, de thermomètre à la richesse, et de réserver pour les cas de guerre la pesée à faire porter sur les taxes directes ou foncières, auxquelles la fortune acquise ne peut pas se dérober. C’est comme impôt de guerre que l’impôt du revenu, l’income tax, fut introduit par M. Pitt dans le budget de la Grande-Bretagne. Chez nous, le décime de guerre ajouté par Napoléon aux impôts de consommation en vertu d’un autre principe, est encore maintenu après trente-cinq années de paix.

On se prévaut de ce que le gouvernement britannique a rétabli l’income tax dans un moment où non-seulement l’Angleterre, mais encore le monde entier était livré à une tranquillité profonde. Ce phénomène inattendu dans l’histoire des finances tient à l’abus que l’aristocratie, qui occupait et qui exploitait le pouvoir, avait fait des impôts de consommation. En 1842, lorsque sir Robert proposa le rétablissement

  1. Dans le budget de 1843, sur 1,206 millions de recettes ordinaires, les contributions indirectes, les produits des douanes et sels, ceux des postes et de l’université, figurent pour 498 millions. Dans celui de 1847, sur une recette de 1,331 millions, les impôts de consommation figurent pour 522 millions, environ 39 pour 100.