Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la taxe du revenu, les taxes indirectes subvenaient presque seules aux dépenses de l’état. La propriété foncière ne contribuait que pour 2,878,484 livres sterling, représentant le total de l’impôt assis sur la terre et de la taxe des fenêtres, à un budget dont les recettes s’élevaient à 52,315,433 livres sterling. Elle supportait a peine un vingtième des charges publiques. Cette brèche énorme faite à la justice distributive est déjà bien ancienne dans la Grande-Bretagne ; mais elle allait toujours s’élargissant avec le temps. On a calculé que la propriété foncière qui contribuait encore pour un sixième au paiement des taxes pendant les trente années du règne de George Il, pour un septiène pendant les trente-trois premières années du règne de George III, qui comprenaient la guerre d’Amérique, et pour un huitième ou pour un neuvième seulement, en dépit de l’income tax, de 1796 à 1816, n’avait plus participé, depuis la paix jusqu’au rétablissement de l’impôt sur le revenu en 1842, que dans la faible proportion d’un vingt-quatrième aux charges annuelles de l’état[1].

Cette immunité scandaleuse, dont avaient joui si long-temps et dont jouissaient encore en 1842 les propriétaires de biens-fonds ainsi que les détenteurs de capitaux, criait assurément vengeance ; mais il y avait encore un autre motif pour faire revivre un impôt direct c’est que les taxes de consommation ne suffisaient plus aux dépenses de l’état. La nécessité parlait encore plus haut que l’équité. En vain les whigs avaient-ils tenté de combler le déficit par une espèce de vingtième de guerre ajouté tant aux droits de l’excisce qu’à ceux de l’accise ; les produits restaient inférieurs aux dépenses, et le déficit annuel approchait de 3 millions sterling. L’income tax rétablit l’équilibre, en même temps qu’il fit contribuer les bourses jusque-là trop ménagées. Même encore après cette réparation qui honore au même degré le jugement et le courage de sir Robert Peel, les taxes de consommation demeurent la principale source du revenu en Angleterre. En effet, dans les 48 millions juillet 1818 jusqu’au 5 juillet 1849, l’income tax et les taxes assises, qui sont des impôts de luxe ou des taxes établies sur la propriété, ne figurent que pour 9,701,583 livres sterling, soit environ pour un cinquième. La griffe de l’aristocratie reste, comme on voit, fortement empreinte sur le système financier.

Pour démontrer que l’assiette de l’impôt n’a point été déterminée en France par l’intérêt exclusif d’une ou plusieurs classes de citoyens, et que la taxe du revenu n’aurait point à corriger chez nous ces inégalités choquantes que l’on remarque chez nos voisins, il suffit de faire l’anatomie du budget des recettes. Prenons la dernière année de la monarchie,

  1. Aristocratic taxation.