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trésor, qui suspendait ses paiemens, était-il fondé à exiger des capitalistes qu’il égorgeait un surcroît de privations et de sacrifices ? Ajoutons que l’époque approchait où l’état, pour subvenir à ses dépenses, devait faire appel au crédit. N’était-ce pas aggraver par avance pour lui les conditions d’un emprunt, que d’effrayer et de rançonner tout à la fois les rares capitaux qui pouvaient rester disponibles ?

Le gouvernement provisoire, sourd à ces considérations, décréta le 20 avril 1848 une contribution d’un pour 100 sur le capital des créances hypothécaires. L’impôt avait un caractère provisoire, on l’établissait pour l’année, et afin de faire contribuer les capitalistes, jusque-là exempts, disait-on, de la charge des grandes crises : c’était l’essai d’une taxe partielle sur le revenu. On s’en promettait une ressource de 45 millions Cependant l’opposition et les obstacles de tout genre que rencontrer cette mesure peu réfléchie déterminèrent bientôt le gouvernement à la modifier. Le 15 juillet, pour faire droit aux observations du comité des finances, M. Goudchaux présentait un projet nouveau qui exemptait de la taxe les prêts faits en exécution de l’ouverture d’un crédit commercial, ainsi que les créances appartenant aux hospices et aux établissemens ou associations de bienfaisance. En même temps, la base de l’impôt était changée. Au lieu de l’asseoir sur le capital combinaison barbare qui coupait par le pied l’arbre dont, on voulait recueillir les fruits, on la fixait au cinquième des intérêts de la créance. L’exécution du décret devenait ainsi moins problématique, mais l’impôt ne devait plus rendre que 20 à 25 millions au lieu de 45 ; c’était pour une somme relativement aussi modique que l’on allait troubler dans leur existence une multitude de prêteurs dont la moitié au moins étaient de bien petits capitalistes et avaient fait des prêts de 400 francs et au-dessous.

« Même en admettant des exceptions fort arbitraires, disait le rapporteur du décret, M. de Corcelles, l’impôt proposé n’aurait pas de base, connue ; l’évaluation de son produit serait dès-lors incertaine ; il grèverait le débiteur et le propriétaire gêné dans une plus forte proportion que celle du sacrifice demandé au créancier capitaliste ; il porterait atteinte à la facilité des mutations, à toutes les transactions industrielles et commerciales, en élevant le taux de l’intérêt de l’argent ; il retomberait sur la propriété foncière, déjà surchargée de la contribution extraordinaire des 45 centimes ; il enlèverait de la sorte à l’agriculture une plus grande partie des ressources nécessaires à ses perfectionnemens, et diminuerait le gage qu’elle peut offrir pour la garantie de son crédit ; il altérerait la sécurité nécessaire à la libre circulation et à la production des capitaux, éloignerait en particulier les capitalistes étrangers, dont le concours est plus que jamais désirable ; il produirait des pertes sensibles sur les droits existans de l’enregistrement, des hypothèques et du timbre ; il nuirait au crédit même de l’état. »

Ainsi, au point de vue de la richesse mobilière, le décret avait l’inconvénient