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faites en 1830[1]. Ce chiffre ne tient donc pas compte des progrès de la circulation intérieure depuis 1830, et il ne comprend d’ailleurs que les transports à longue distance. Eh bien ! c’est sur ces bases que M. Lacave-Laplagne évaluait à 120 millions l’économie annuelle acquise au pays, sur la seule industrie des transports, par l’amélioration de notre système de voies intérieures ; mais, depuis 1843, les prix ont encore subi de notables réductions : celles qui résultent de l’ouverture de plusieurs lignes de chemins de fer sont trop importantes pour être négligées. Il n’y a pas lieu non plus de passer sous silence l’économie énorme qui s’est produite sur les transports à petite distance, formant les trois quarts de la masse transportée, et qui se composent, pour une grande partie de denrées et de produits agricoles. Les chemins vicinaux exécutés dans ces dernières années ont offert, sous ce rapport, à l’agriculture, un secours d’autant plus efficace, qu’ils ont permis au cultivateur de faire ses transports dans la morte saison, et d’atteindre facilement et en tout temps les grandes routes et les principaux marchés. Si l’on veut tenir compte de toutes ces circonstances, il faudra certainement plus que doubler le chiffre posé en 1843 par le ministre des finances, pour faire apprécier l’économie que le pays a retirée de l’amélioration de ses voies de transport depuis 1830.

Or, la facilité et l’économie des transports sont partout le moyen le plus énergique de stimuler l’activité d’un pays et de mettre au jour les ressources latentes qu’il renferme. C’est par cette excitation puissante donnée au travail qu’on peut expliquer la prospérité des canaux anglais depuis l’établissement des rail-ways, qui semblaient, au contraire, devoir leur créer une dangereuse concurrence. Dans les trois années antérieures à l’ouverture du chemin de fer de Londres à Birmingham, le canal de grande jonction contigu à ce chemin transportait en moyenne 756,894 tonnes de marchandises. La moyenne annuelle des transports sur ce même canal dans les onze années postérieures à l’établissement du rail-way a été de 1,039,333 tonnes. Enfin, en 1847, le montant des transports a été de 1,163,466 tonnes. On retrouve le même accroissement sur les principaux canaux anglais contigus aux rail-ways, et ce n’est pas là un fait qui appartienne exclusivement à l’expérience anglaise. Des faits analogues, mais plus saillans encore, se reproduisent en Belgique sur toutes les voies navigables qui sont en concurrence avec les chemins de fer ; l’activité des transports sur ceux-ci n’a pas empêché le tonnage de s’accroître sur les premiers, et même de doubler sur plusieurs d’entre eux[2]. La circulation sur le chemin de fer d’Orléans et plus que quintuple de celle qui existait, avant son ouverture, sur la voie de terre, et pourtant la navigation des canaux d’Orléans et du Loing n’a pas été atteinte dans la masse même de ses transports. Est-ce que l’énorme mouvement du chemin de Rouen a anéanti celui de la Seine, malgré son tonnage tout en remonte dans des conditions de navigation en général défavorables ? Non, la rivalité des deux voies n’a atteint que le prix

  1. Schnitzler. Statistique de la France, tome IV, page VIII des additions.
  2. Voici quelques-uns des chiffres du tonnage sur les canaux belges en concurrence avec les chemins de fer : canal de Mons à Condé, 1,600,000 tonnes ; de Pommereuil à Antong, 800,000 ; de Charleroy à Bruxelles, 700,000 ; Sambre canalisée, 400,000 ; mouvement de l’Escaut, 2,000,000.