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Sépare-t-elle les intérêts du président des intérêts du parti modéré, qui forme la majorité de l’assemblée ? Dérobe-t-elle à l’assemblée, sa part légitime dans la direction des affaires publiques ? Doit-elle jeter dans une attitude de défiance et d’hostilité les hommes trop engagés par les antécédens de leur vie, ou trop considérables par leur valeur personnelle pour accepter dans le gouvernement une situation subordonnée à l’action du président ? Il faut que ces doutes soient formellement résolus dans tous les esprits.

Je rappelle d’abord le but que le président et le parti modéré poursuivent ensemble dans l’action du gouvernement : c’est la défense de la société contre les socialistes et les révolutionnaires. Nous avons vu qu’à ce but général s’ajoute un but secondaire et prochain : la reconstitution du pouvoir et la réélection du prince Louis-Napoléon. Il ne faut pas oublier non plus que l’état de révolution équivaut à l’état de guerre, et que, dans la situation présente de la France, il n’y a pas seulement deux agens de gouvernement : le président et l’assemblée ; il y en a trois : le président, l’assemblée et l’armée.

Ceci posé, il devient clair que la politique du dernier message, c’est-à-dire le rôle d’initiative personnelle pris par le président dans le gouvernement, est non-seulement légale, mais opportune et utile. J’en vois trois raisons. La première, c’est qu’il faut que le président indique au pays sa candidature et fasse ses preuves personnelles pour obtenir du peuple l’investiture du pouvoir. La seconde, c’est que dans l’état de guerre et de révolution, il faut que l’homme qui tient le pouvoir soit habitué aux soucis et aux inspirations de la responsabilité, afin d’être toujours en mesure de prendre, dans les momens de crise, des résolutions énergiques et rapides. La troisième, c’est l’intérêt. L’honneur et l’efficacité de l’armée, qui exige la concentration et la promptitude de la responsabilité et du commandement. Je reviens sur ces trois considérations.

La première saute aux yeux. Il faut que le président justifie sa prochaine candidature, il faut qu’il se fasse honneur aux yeux du peuple des actes du pouvoir, il faut qu’il emploie tous les moyens de gouvernement pour préparer et assurer son succès. La mission du prince Louis-Napoléon dût-elle se borner à la durée de la présidence actuelle, l’ambition de marquer par son gouvernement et d’agir serait de sa part le sentiment le plus légitime qu’en une situation si haute puisse éprouver un homme de cœur. Il est tout simple que Louis-Napoléon ne veuille pas qu’on ait un jour le droit de dire de sa présidence ce que le prince de Ligne disait du règne de je ne sais plus quel prince qui n’avait que des velléités et pas de volonté : Ce fut une perpétuelle envie d’éternuer.

La seconde considération est plus haute, et, à mon avis, aussi pressante.