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qui, en rendant possible le mélange d’hommes d’éducation différente, rendent impossible la délibération honnête et régulière ; et croyez-vous que ces tumultes et ces duels de l’assemblée ne portent pas une atteinte profonde au crédit du gouvernement parlementaire ? On a beau pervertir l’esprit de la foule avec les idées démagogiques : soyez sûr cependant qu’il y a dans l’esprit de tout le monde l’idée qu’un gouvernement doit être quelque chose de calme, de régulier, de sage. Nous ne concevons pas que nous soyons gouvernés par quelqu’un qui ne vaille pas mieux que nous, qui ne soit pas plus éclairé et plus grave que nous ne le sommes. Les députés sont nos représentans à condition de nous représenter en beau. Quand, au lieu de nous représenter, ils nous ressemblent, le prestige disparaît. Voyez, depuis quinze jours, il y a eu à peine dans l’assemblée cinq ou six séances qui méritent d’être appelées de séances législatives. Otez la séance où M. Faucher a engagé avec M. Fould une conversation judicieuse et féconde sur l’état des finances et sur l’état de la Banque, celle où M. Barre a spirituellement attaqué les coalitions et où M. de Vatimesnil a énergiquement défendu les véritables principes de cette question difficile, celle enfin d’avant-hier où Mme Rouher, le ministre de la justice, a répondu avec beaucoup de netteté et de force aux sophismes de M. Favre sur la souveraineté ; es séances ôtées, que reste-t-il, sinon des luttes, violentes et tumultueuses ? M. Dupin sait, dans ces séances agitées, montrer la fermeté et la promptitude de son esprit, et nous l’en remercions, car l’honneur d’une société est dans la répression du désordre, quand il n’est plus dans la modération qui le prévient ; mais M. Dupin sait et dit lui-même le tort que de pareilles agitations font au gouvernement parlementaire.

Depuis cette fréquence de duels, plusieurs représentans ont déposé des ropositions contre les duels en général ou contre les duels entre représentans. Ces propositions témoignent de la douleur qu’inspire le mal ; mais nous craignons bien qu’elles ne le répriment pas. En 1848, que faisait la société attaquée chaque jour par l’émeute ? Elle se défendait à coups de fusil. Les fusils de la garde nationale faisaient la police des cités. C’était un grand malheur ; mais cela en empêchait un plus grand. Nous appliquerons jusqu’à un certain point cette réflexion aux duels de l’assemblée. Quand le président est impuissant en certains momens, malgré son énergie et sa vivacité, quand le règlement n’est pas respecté, quand la force morale est abattue, la force matérielle reprend ses droit, et le duel est la forme la plus polie de la force matérielle. On ne pourra supprimer les duels dans l’assemblée qu’en supprimant la cause des duels, c’est-à-dire l’esprit de violence et d’indiscipline. Ici encore reviennent nos observations sur les incompatibilités d’éducation et sur l’influence des institutions.

Nous venons de jeter un coup d’œil rapide sur l’histoire parlementaire de la dernière quinzaine. Cette histoire ne prouve-t-elle pas que le parti modéré a beaucoup à faire pour rendre à la société ce qu’elle a perdu, c’est-à-dire le bienfait d’un gouvernement calme et régulier. Or, si le parti modéré a beaucoup à faire de ce côté, s’il est tenu de le faire, sous peine de périr avec toute la société, nous demandons s’il a pour le faire d’autres moyens que ceux qu’il trouve dans l’action du président. S’il est des personnes qui veulent commencer