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la restauration de l’édifice par le toit, qui, avant de reconstruire le pouvoir, veulent savoir qui en sera le dépositaire à venir, qui enfin ne veulent rebâtir la maison que pour un seul propriétaire ou un seul locataire, nous envoyons ces personnes-là aux folies de Saint-Hubert. Quant à nous, qui ne faisons pas d’almanachs, nous supplions le parti modéré d’aider le président à rebâtir le pouvoir, car c’est là l’intérêt de tout le monde, et nous supplions également tout le monde de considérer que de toutes les manières de reconstruire le pouvoir, la moins bonne serait de commencer par détruire celui, qui existe. La France loge depuis soixante ans dans des appentis, parce qu’elle a l’idée de se bâtir un palais définitif ; seulement chacun veut que ce palais définitif soit construit sur son plan particulier.

Sans le concours du parti modéré, le président ne peut rien pour la reconstruction du pouvoir ; sans le concours du président, le parti modéré ne peut rien non plus pour cette reconstruction. Grande raison de s’unir, disons-nous. Grande probabilité qu’on ne fera rien, disent ceux qui médisent volontiers de la France. Eh bien ! soit. L’expérience commence, et l’événement jugera.

Un mot encore. Nous parlions, en commençant, des services que la montagne rend au parti modéré ; nous allions oublier un de ces services les plus signalés. La montagne se divise, celle du dehors tout au moins. M. Proudhon attaque M. Leroux, M. Proudhon attaque M. Louis Blanc, M. Proudhon attaque tout le monde et est attaqué par tout le monde. Il prouve à ses confrères en révolution qu’ils n’ont pas le sens commun, à M. Pierre Leroux qu’il n’est qu’il n’est qu’un courtier marron en antiquailles révolutionnaires, à M. Louis Blanc qu’il continue à faire sa rhétorique, et ceux-ci lui répondent qu’il n’est qu’un faiseur de tours de dialectique. Soit ; mais que ces divisions nous soient au moins une leçon pour ne pas les imiter, et une occasion d’agir. Sans cela, en quoi valons-nous mieux, et en quoi avons-nous le droit de rire de ces querelles ? Sommes-nous destinés à mourir tous en ricanant les uns des autres, à être, comme Voltaire,

Un pied déjà dans le tombeau,
De l’autre faisant des gambades ?

Passant de l’intérieur à l’extérieur, là aussi nous trouvons des expériences qui commencent et qui doivent attirer notre attention.

À Genève, malheureusement, l’expérience ne commence pas ; elle est faite, et cette fois encore la démagogie a vaincu la liberté. Il s’agissait d’élire le conseil d’état, c’est-à-dire le gouvernement, et le parti conservateur espérait que l’expérience de trois ans d’un gouvernement radical aurait suffi pour guérir Genève de l’envie de vouloir recommencer. Genève, en effet, a tout ce qui caractérise les gouvernemens radicaux, les ateliers nationaux, le déficit dans les finances, la langueur du commerce et de l’industrie, l’abandon des étrangers. Elle va conserver encore pendant trois ans ces bienfaits du gouvernement radical, car l’ancien conseil d’état a été battu, et le parti conservateur a été battu. Comment le parti radical l’a-t-il emporté dans les élections ? Par la violence, comme toujours. Les ateliers nationaux, qui sont les prétoriens de la démagogie, avaient, occupé tous les abords des collèges électoraux. À ces prétoriens,