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a été complètement énervée, on pourrait dire submergée sous des flots de paroles inutiles. Vainement le roi avait-il appelé aux affaires et placé à la de son cabinet M. d’Azeglio, le nom le plus populaire de toute l’Italie l’homme le plus propre à calmer les susceptibilités de la gauche et à garantir la conservation des institutions constitutionnelles ; vainement M. d’Azeglio a-t-il été jusqu’aux dernières limites de la patience et des concessions, espérant toujours ramener ces esprits égarés et leur faire comprendre que le gouvernement représentatif, condition de liberté, ne devait pas être transformé en une machine de guerre et un instrument de désorganisation : tout a été inutile, l’opposition semblait avoir pris à tâche d’assumer sur elle seule toute la responsabilité des malheurs que peut causer au pays sa folle obstination.

Au commencement de l’été dernier, l’armée autrichienne était campée sur le territoire piémontais, le royaume ouvert, l’armée désorganisée, le trésor vide, Gênes soulevée par la propagande républicaine ; il s’agissait de sauver le pays à la fois des ennemis du dehors et de ceux du dedans, de maintenir l’intégrité de la couronne et le pacte constitutionnel. Cette double tâche était difficile, car l’Autriche, peu désireuse d’un agrandissement de territoire, mais fort intéressée, au moment où elle supprimait la liberté dans le reste de l’Italie, à ne pas laisser subsister à sa porte une tribune libre et un gouvernement représentatif, ne dissimulait nullement qu’elle était prête à se relâcher de ses exigences pécuniaires, si on voulait lui faire des concessions sur cet article. Le cabinet de Vienne n’a pas épargné les cajoleries et les offres de toute sorte pour arriver à ce résultat, et il est bien certain que, si le roi Victor-Emmanuel eût consenti à nommer un ministère réactionnaire, disposé à signer la suppression du statut et une alliance avec l’Autriche, les contribuables piémontais n’auraient pas eu 75 millions à payer ; mais, il faut bien le dire à l’honneur de ce prince, il a repoussé avec la plus grande loyauté les insinuations qui lui étaient faites, et le choix de ses conseillers a prouvé qu’il n’entendait nullement répudier l’héritage que lui avait légué son père. De son côté, M. d’Azeglio, le champion si zélé de l’indépendance italienne, en apposant son nom au traité de Milan, en faisant ainsi violence à ses sentimens personnels sous le coup de la nécessité, a pu se rendre le témoignage qu’il mettait à couvert, avec l’indépendance territoriale du Piémont, le principe constitutionnel. Du moment où le Piémont battu n’avait plus qu’à payer les frais de la guerre, quel qu’en fût le taux, personne n’avait le droit de réclamer. La chambre des députés de Turin cependant poussa d’abord les hauts cris. Que voulait-elle ? Repousser le traité ? Le ministère se serait dissous, et le roi, n’ayant plus le choix qu’entre un ministère de gauche et un ministère absolutiste, n’aurait certes pas balancé. On ne pouvait raisonnablement exiger de lui qu’il offrit des portefeuilles aux amis de M. Mazzani, et recommençât la guerre avec les débris de la légion de Garibaldi. Sans avoir le désir de reprendre le pouvoir absolu, il eût été forcé de s’entourer de gens qui y visent, et qui l’eussent engagé avec l’Autriche. Était-ce là ce que l’opposition voulait ? Après avoir bien déclamé, l’opposition finit par avoir l’air de comprendre que la paix, telle qu’elle venait d’être signée, était en définitive tout ce qu’on pouvait espérer de mieux dans la déplorable position où se trouvait, le Piémont. Le traité ayant été ratifié