Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/941

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas que c’est le plus grand nombre, augurant de l’avenir par le passé, se prononcent pour la négative ; puis, calculant les conséquences possibles, ils entrevoient dans un avenir prochain l’insurrection et l’anarchie à l’intérieur, la rupture avec l’Autriche et une nouvelle invasion venant cette fois couronner la ruine du pays. Sans doute, la situation est grave, mais nous ne saurions la voir aussi désespérée. Le cas de la réélection des députés actuels a été prévu par le cabinet, lorsqu’il s’est déterminé à essayer encore une fois de la loi actuelle, et nous ne doutons pas, si on le force à cette extrémité, qu’il n’applique avec promptitude et d’une main ferme le remède qu’il tient en réserve. L’avènement d’un nouveau ministère démocratique n’est donc point à craindre ; partant, où serait le prétexte à l’invasion ? Enfin, quant à la révolte de Gènes, dont on se fait toujours un épouvantail en Piémont, quant à une émeute dans les rues de Turin, il n’est pas à craindre de les voir réussir. L’armée piémontaise en ferait prompte et sévère justice, trop sévère peut-être, car, dans l’état d’exaspération où sont depuis un an les officiers et les soldats, il serait plus difficile de les retenir que de les exciter ; mais, nous l’avouons, nous ne perdons pas tout espoir de voir ce conflit se dénouer par les voies constitutionnelles. Le ministère, en fixant les élections au 9 décembre, a voulu profiter du sentiment général d’indignation qui, sous le coup des derniers événemens, s’est manifesté dans les esprits contre la chambre. Il a fait intervenir la voix du souverain, toujours écoutée et respectée en Piémont ; enfin, pour la première fois, il s’est déterminé à agir sur la conscience des électeurs, dans la mesure de son droit bien entendu. Ainsi, un petit journal intitulé Guide des Électeurs est répandu dans le pays, non pour désigner telle ou telle candidature, mais pour rappeler aux électeurs que leur devoir est d’aller voter. Tentative énorme ! le ministère de l’intérieur a adressé une circulaire aux fonctionnaires placés sous ses ordres, non pour leur enjoindre d’appuyer les candidatures modérées, mais, le croirait-on ? pour leur défendre de se mêler aux cabales et intrigues préparatoires en faveur de ceux de l’opposition. On ne manquera pas pour cela d’accuser M. Galvagno de corruption. Voilà où l’on en est en Piémont, et comme certaines gens y entendent le droit et le devoir du gouvernement. Ce devoir, c’est de se laisser égorger sans mot dire. La probabilité du succès pour le ministère se fonde donc, nous le répétons, sur le court délai qu’il a fixé. En se donnant plus de temps, on eût laissé s’évanouir les bonnes dispositions qui peuvent être nées dans beaucoup d’esprits. La masse serait retombée dans son inertie, ou se fût laissé travailler par M. Valerio et consorts, dont les moyens d’influence et de propagande sont bien autrement développés que ceux du gouvernement. En brusquant la partie, M. d’Azeglio a agi sagement, et, pour nous servir d’une expression usuelle, il fait bien de battre le fer pendant qu’il est chaud.

Au reste, si un certains nombre de personnes conçoivent et témoignent en ce moment, à Turin, des appréhensions que nous croyons en partie exagérées, en retour, il est des optimistes dont rien n’ébranle la confiance et dont il ne nous paraît pas inutile de signaler l’imperturbable sécurité, car elle ne peut s’expliquer que par une connaissance approfondie de l’état du pays. De ce nombre est M. le comte Balbo. M. Balbo a foi dans les destinées constitutionnelles du Piémont, et sa patriotique susceptibilité ne supporte pas qu’on élève