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L’équité demanderait évidemment que le taux de l’impôt variât suivant la nature des revenus, et même qu’il se proportionnât aux situations individuelles. Voilà pourtant ce qu’aucune législation ne fait. Malgré les puissantes réclamations qui ont retenti dans les écrits des économistes, dans les pétitions émanées des districts manufacturiers, et jusque dans le sein du parlement, le taux de l’income tax demeure jusqu’à présent uniforme en Angleterre. La force de ces argumens pourra ruiner la taxe, mais elle n’en déterminera pas la modification. Trop de difficultés s’y opposent.

On ne doit pas dire avec M. Parieu, qu’il s’agit d’établir une taxe sur le revenu et non de rechercher le capital qui servira à la perception de la taxe ; car le législateur est tenu de rendre à chacun une égale justice, et justice ne serait pas faite, si la loi traitait comme des choses qui ont une valeur, pour leur demander le même tribut, des choses qui ont une valeur différente. Je reconnais d’ailleurs que, pour tenir compte de ces différences, il faudrait se jeter dans des détails de classification qui ne sont pas du domaine du législateur. On aurait encore à distinguer souvent dans le revenu d’une même personne ce qui est le produit du capital qu’il possède de ce qui est le produit de son industrie. Cette difficulté, à laquelle venait déjà se heurter, sous une autre forme, la taxe du revenu mobilier, n’admet aucun des tempéramens que la nature de l’impôt rendrait nécessaires. Il est condamné à l’uniformité et par conséquent à l’injustice.

Les plus mauvais impôts sont ceux qui s’opposent à la formation de l’épargne et à l’accumulation des capitaux. La taxe du revenu aurait au plus haut degré ce triste caractère. Elle enlèverait au père de famille engagé dans le commerce, dans l’industrie, dans les fonctions publiques ou dans les fonctions libérales, précisément cette réserve annuelle, cet accroissement qui devait lui servir à composer ou à recomposer un capital qui répondît à son revenu. Au moment où l’on parle de créer, même avec l’assistance de l’état, des caisses de retraite pour les ouvriers, on priverait violemment des ressources naturelles de leurs vieux jours les ouvriers des arts, des sciences ou des lettres, et les entrepreneurs du travail, qui sont les têtes de la colonne industrielle. Ce serait un procédé sauvage : l’impôt attaquerait ainsi profondément, quoique d’une manière indirecte le capital de la société.

Arrivons maintenant au point le Plus critique du projet, à la base de l’impôt. La commission de l’assemblée constituante, on le sait, « avait été plus touchée, c’est M. de Parieu qui le dit, des inconvéniens habituels de la déclaration que de ses rares avantages. Elle avait pensé que cette confession de son revenu ne s’accomplirait point pour le contribuable sans de vives répugnances, dont la dissimulation serait souvent le résultat. » Ailleurs, M. le rapporteur donne un plein assentiment