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voyais un pays où l’on en parle peu, où l’on ne se fait pas l’avocat des souffrances du peuple pour gagner une autre cause, mais où l’on agit tous les jours, sans relâche, sans bruit, et où les pauvres sont secourus et ne sont pas exploités. La résolution avec laquelle le peuple anglais reconnaît sa dette envers les petits, et s’acquitte, est d’autant plus à louer, que la religion a plus de puissance dans ce pays, et que les cœurs durs pourraient profiter de ce qu’on y croit encore aux dédommagemens de l’autre vie. Combien la dette n’est-elle pas plus pressante, là où les espérances que donne la religion sont moins écoutées, et où certains docteurs de la démocratie ont borné toute réparation du mal social à l’égalité des rations dans cette vie, et tout bonheur à jouir ? Sur cette question qui domine toutes les autres, sur cet intérêt, le plus impérieux de tous, même avant que février en fît une menace permanente de guerre civile et mît l’escopette aux mains du pauvre, l’Angleterre se montre la nation la plus intelligente de l’Europe. On ne voit pas là une bourgeoisie qui ne fait rien par elle-même, et attend que le pouvoir fasse pour elle ; qui, au lieu de donner de sa main, dit au gouvernement : Prenez ; sauf à faire de l’opposition à toute manière de prendre. Je loue beaucoup le gouvernement français de songer à établir des lavoirs et des bains publics pour les classes ouvrières, et d’avoir, faute de mieux, institué une commission pour en délibérer ; mais j’aimerais mieux que notre bourgeoisie, s’en fût chargée elle-même. Il existe à Londres plus d’un établissement de ce genre, et la bourgeoisie, qui les a fondés, y a d’autant plus de mérite, qu’elle peut avoir des doutes sur la salubrité des bains entiers, car elle continue à se baigner dans des termes. J’ai vu le plus récent de ces bains ; rien n’y manque, ni pour l’appropriation à l’intérieur, ni pour l’aspect au dehors. Là, pour le prix de quelques verres d’ale ou de in que l’ouvrier aurait pris au-delà du besoin, il se baigne à l’aise et fait laver son linge, qui lui est rendu, au sortir du bain, blanchi, sec et chaud. Je ne sache pas que le parlement s’en soit mêlé, ni que, parmi les hommes d’état qui ambitionnent la succession, de lord Russell, il y en ait un qui songe à quelque invention de ce genre pour se rendre populaire.


VI

C’est ainsi que les classes moyennes, en Angleterre, soulagent le gouvernement, en partageant la tâche avec lui. Au gouvernement la politique, à la société ce qui est devoir social. En France, nous n’aidons pas le gouvernement, et nous attendons tout de lui. Nous sommes ses juges les plus difficiles et ses auxiliaires les moins efficaces. On nous entend sans cesse lui demander, et nommément à l’homme, roi ou président, qui le personnifie, la tranquillité et le mouvement, le