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les yeux sont extrêmement nombreux et portent en quelque sorte chacun sa date. Ainsi, dans les catacombes de Saint-Calixte, sur la voie Appienne, à Saint-Pierre et à Saint-Marcellin, il a découvert les plus anciennes peintures où soient figurées les images du Christ. Ces peintures retracent des sujets de l’Ancien et du Nouveau Testament : Jonas, le Christ et les docteurs, la résurrection de Lazare, la multiplication des pains, la croix entourée de fleurs, et on y remarque une représentation extrêmement curieuse des premières agapes. Cette dernière composition, qui nous montre une matrone charitable placée entre deux serviteurs assis aux deux bouts de la table, et distribuant des vivres aux survenans, est traitée avec un naturel et une noblesse de style bien rares dans tous les temps. Ces fresques sont d’ailleurs de la meilleure époque ; elles : remontent aux Ier et IIe siècles et seront reproduites par cinquante-huit planches de l’ouvrage de M. Perret. Dans quelques-unes de ces peintures, l’ensemble de la décoration et même les sujets sont empruntés au paganisme, et à propos Séroux d’Agincourt remarque fort judicieusement que l’esprit d’imitation devait d’autant plus naturellement se manifester de cette façon, que les usages civils étaient les mêmes pour les deux cultes et que souvent un père idolâtre avait des enfans chrétiens. Dans la plupart des autres fresques, le paganisme expirant et la religion nouvelle se combinent plus ou moins heureusement et indiquent aussi clairement que possible la transition. Ainsi les sujets sont bien pris dans l’Ancien et le Nouveau-Testament, mais la distribution des groupes, l’arrangement des accessoires et en général l’aspect et tout ce qui tient au mode d’exécution appartiennent à l’art païen encore florissant. Le christianisme fournit le fond, le paganisme la forme. De siècle en siècle, et à mesure que le christianisme gagne du terrain, cette forme se modifie ; l’art nouveau cherche un nouveau mode de représentation ; il ne se borne plus à penser, il exprime et avec un langage qui lui est propre.

Les découvertes faites aux catacombes de Sainte-Agnès, sur la voie Nomentane, dont les peintures paraissent remonter aux IIe et IIIe siècles, ne sont pas moins intéressantes, et cependant ce cimetière, comme celui de Saint-Calixte, est l’un des plus anciennement ouverts. Au nombre des cinquante-sept sujets recueillis dans ses cryptes par M. Perret, on remarque Adam et Eve tentés par le serpent, Tobie et l’Ange. Daniel dans la fosse aux lions, Hérode et les Mages, le Paralytique et un Moise frappant le rocher, « que Raphaël semble avoir vu avant de travailler au Vatican, » a dit M. Vitet dans son rapport. La plus remarquable de toutes ces peintures est celle où Jésus-Christ est représenté assis au milieu de ses disciples. Il y a dans ce morceau du charme et de la majesté, et les airs, les mouvemens de tête sont à la fois simples ; nobles et délicats.